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Emprisonnés depuis la mi-janvier Dan et Olivier ont besoin de notre solidarité matérielle et politique

dimanche 27 mars 2011

Suite à l’affaire de Tarnac, on a vu toute une partie de l’intelligentsia de gôche se démener pour dénoncer la machination politico-policière qui avait abouti à l’emprisonnement de Julien Coupat et de ses amis. Dan et Olivier ne bénéficient apparemment pas du moindre soutien de ces mêmes réseaux médiatiques qui restent étrangement silencieux.

Deux poids, deux mesures ?

Mais ce n’est pas parce que l’exigence de leur libération n’est pas aussi "tendance", et ne nous vaudra pas la publication d’une tribune dans "Libération" ou un passage à la télé ou à la radio, que nous devons rester muets ou apathiques.

Pour notre part, nous ne partageons pas toutes les positions et les analyses politiques de ces camarades (1).

Mais la condamnation et l’emprisonnement de Dan et Olivier ne sont pas une question qui concernerait les seuls anarchistes (ou pire, encore, une des tendances de l’anarchisme, les autres s’en lavant les mains).

Tous les individus (militants ou pas) qui pensent être de gauche ou d’extrême gauche doivent réclamer leur libération immédiate – même si Dan et Olivier ne demandent aucune faveur particulière à l’Etat républicain bourgeois ou à ses soutiens "socialistes" et "communistes".

Les militants et les partis de gauche et d’extrême gauche qui se taisent aujourd’hui, tout en comparant sans cesse Sarkozy à Pétain ou à Le Pen, et le régime actuel à celui de Vichy, montrent à la fois le vide de leur pensée politique et leur complicité face à la répression qui frappe des militants anarchistes.

Il n’est jamais trop tard pour manifester sa solidarité et faire preuve d’un petit peu de courage politique, même si cela ne rapportera pas une voix aux partis de gauche et d’extrême gauche que de se solidariser avec des militants anarchistes qui n’ont aucun respect pour la démocratie bourgeoise.

Y.C

Ni patrie ni frontières

1. Dans le numéro 27/28/29 de la revue sur "Le gauchisme post-moderne" paru en octobre 2009 on trouvera quelques éléments de discussion sur la prétendue "mouvance anarcho-autonome", les courants insurrectionnalistes, et l’insipide "Insurrection qui vient", sans bien sûr épuiser le débat sur la caractérisation de la période actuelle et les stratégies qui sont le plus appropriées.

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Nous pouvons leur écrire

Maison d’arrêt de la Santé Daniel SAYAG N° d’écrou : 293 350 42 rue de la Santé 75 674 Paris cedex 14

Maison d’arrêt de la Santé Olivier TOUSSAINT N° d’écrou : 293 348 42 rue de la Santé 75 674 Paris cedex 14

Ou consulter le site http://mmpapeur.blogspot.com/2011/0...

Ou assister aux initiatives de solidarité http://nantes.indymedia.org/article...

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Nous voulons vivre

(Lettre de Dan depuis la prison de la Santé, 6 février 2011)

« Le sol sur lequel vous vous trouvez est en feu » August Spies à ses juges (1)

Depuis toujours, des humains oppriment d’autres humains. C’est sur ces bases maudites qu’est née cette civilisation de l’enfermement. La domination, qu’elle soit économique, sexiste ou morale régit les rapports entre les gens, à tel point et depuis si longtemps que le simple fait d’inventer d’autres rapports, vivre ses relations différemment, vouloir un avenir débarrassé de toute autorité et agir dans ce but est un « crime ». Des amitiés se transforment en « association de malfaiteurs », des associations d’individus sans hiérarchie deviennent des « organisations terroristes » avec tous les fantasmes du pouvoir : leaders, exécutants, théoriciens, etc. De la France au Chili en passant par la Grèce, l’Italie et tant d’autres endroits où s’organisent des anarchistes et anti-autoritaires en vue d’en finir avec les rapports de domination, en face, la répression s’organise aussi avec son arsenal militaro-juridique. Cette situation, en soi, n’est pas tellement étonnante, en vrai, elle est aussi vieille que le sont nos idées et nos désirs de vivre. Des lois scélérates de la belle époque en France jusqu’au délit d’anarchisme en Italie de nos jours, ce dernier a toujours servi d’épouvantail social. Si je parle tant d’anarchisme, c’est que moi-même je suis anarchiste, mais ce constat s’applique à de nombreuses catégories fantasmées du pouvoir : les « bandes », les « casseurs », les « anarcho-autonomes », les « Rroms » et autres « bandes ethniques à capuche » si chers aux crapules médiatiques.

En fait, il s’agit d’attribuer à ces catégories montées de toute pièce à des fins électorales et sociales, des pratiques séculaires et répandues comme la rétribution sociale, le sabotage, l’expression murale et autres moyens d’expression qui n’appartiennent à personne, sinon à ceux que la société pousse à réagir contre elle. On peut alors confiner ces pratiques à quelques « têtes brulées » pour mieux faire oublier à tous qu’il n’appartient qu’à eux de reprendre le contrôle de leurs vies.

Entrent alors en jeu syndicats, politiciens, porte-paroles et figures mythiques pour temporiser la rage des opprimés, pour déposséder chacun de sa propre révolte et la convertir en pouvoir et en argent pour quelques-uns.

Nous sommes tous en prison. Qui peut nier sans mauvaise foi que travailler, s’enfermer dans une salle de classe, une usine, un supermarché, ce n’est pas se constituer prisonnier ? Qui ne ressent pas, du haut de sa cage à poule emboitée dans des barres d’immeubles qui nous barrent l’horizon, que sa vie n’est qu’une suite d’incarcérations diverses ? Qui réussit encore à éviter du regard les barbelés, barrières, portes blindées, grilles qui peuplent de plus en plus les lieux où nous nous trouvons et rampons, du travail au métro, de son 15m2 aux grands espaces des hypermarchés. Cette société est une vaste prison qui contient en elle une autre prison qui elle-même en contient d’autres. Dehors la menace de la prison, dedans la menace du mitard.

Dans cette vie morne et froide cependant, se soulèvent parfois les flammes de la colère. Récemment, en Tunisie, Algérie ou en Egypte, elles sont venues réchauffer le brasier de nos coeurs qui ne s’éteindra pas à coup de répression.

Nous avons voulu exprimer notre solidarité avec tous les émeutiers qui bravent l’ordre au mépris des menaces et des balles, car nous aussi nous voulons en finir avec ce monde de fric et de pouvoir, nous voulons vivre. Comme une minuscule contribution aux cris de colères qui ont traversé ces derniers mois la Méditerranée, nous avons écrit quelques tags sur les tristes murs des quartiers où nous vivons, contre les dominations démocratiques et dictatoriales contre le règne du fric et des Etats.

Des patrouilles de la BAC qui nous avaient repérés depuis quelques temps nous interpellent alors aux alentours de 3h du matin, rue de Tourtille (XXe). Après une courte nuit au commissariat du XXe, la section anti-terroriste de la brigade criminelle prend le relais et nous ramène au 36 quai des Orfèvres après des perquisitions à nos domiciles pour mettre à jour leurs fichiers. Nous apprenons qu’ils nous mettent alors sur le dos une série de tags contre la Croix-Rouge et son implication omniprésente et internationale dans la machine à expulser et l’encampement progressif des pauvres. Nous sommes également poursuivis pour refus de fichage ADN et empreintes ainsi que pour non-respect du contrôle judiciaire qu’Olivier et moi avions déjà sur le dos. En février 2010, la SAT, encore elle, nous avait arrêtés pour notre participation à la lutte contre la machine à expulser. Nous avions alors été mis en examen ainsi que plusieurs autres camarades pour de supposés sabotages de distributeurs de billets.

Il s’agissait alors, et aujourd’hui encore, de punir et d’isoler quelques individus pour des luttes et des désirs partagés par tant d’autres.

Lors de notre incarcération, le procureur fut très clair : « Il faut mettre un coup d’arrêt définitif à la Mouvance anarcho-autonome et donner une leçon à M. Sayag avant qu’il ne s’engage sur la pente d’une contestation plus violente encore. »

Si l’Etat s’acharne aujourd’hui sur nous, c’est que nous n’avons jamais cessé, et très visiblement, de porter nos idées dans la rue, de parler d’anarchie à ceux qui n’en ont jamais entendu parler, et d’exprimer fièrement notre solidarité avec les révoltés du monde entier, et ce n’est pas un secret pour grand monde.

Je ne suis ni « innocent », ni « coupable » des faits qui me sont reprochés. Je suis anarchiste, en cela, toutes les pratiques qui visent à se libérer des rapports de domination sans les reproduire, obtiennent ma solidarité, que ces pratiques soient ou non les miennes.

A tous ceux qui ne pleurent pas pour ces pauvres murs que nous avons décidé de faire parler, à tous ceux aussi qui se sentent enchaînés, lorsque d’autres le sont, je vous envoie mes salutations révolutionnaires et vous appelle à ne pas marquer de trêve dans le combat pour la liberté qui est le vôtre, et qui est aussi le mien.

A tous les serviteurs de cet état de choses, vos peines de prison ne sècheront ni mes larmes ni n’atténuerons notre joie de travailler à la transformation des rapports. Je réaffirme toute ma solidarité avec les révoltés qui s’agitent sans pour autant rêver de remplacer les dictatures par une domination démocratique. Ainsi qu’à tous les prisonniers de la planète qui ne baissent pas les bras et qui ne se séparent pas des autres en s’inventant des catégories comme « prisonnier politique ». De Sidi Bouzid à Athènes, de Bal-el-oued à Santiago, de Villiers-le-Bel aux faubourgs de Rio, que nos révoltes engendrent nos solidarités, et vice et versa.

Liberté.

Le 06/02/2011, Dan

PS : vous pouvez m’écrire en anglais et en français Maison d’arrêt de la Santé Daniel SAYAG N° d’écrou : 293 350 42, rue de la Santé 75 674 Paris cedex 14 http://mmpapeur.blogspot.com/2011/0...

(1) August Vincent Theodore Spies (10 décembre 1855 - Chicago, 11 novembre 1887) était un activiste anarchiste américain qui fut pendu pour des raisons douteuses suite à l’attentat à la bombe contre la police à Haymarket Square.

(2) http://www.legrandsoir.info/STEPHAN...

(3) http://www.youtube.com/watch?v=CN3O...

(4) Les Anarchistes : http://video.mail.ru/mail/kreda.kro...

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Lettre d’Olivier, en détention préventive depuis le 14 janvier 2011

Maison d’arrêt de la santé, 21 janvier 2011, Nous ne sommes pas en prison pour des tags…

Nous avons été arrêtés dans la rue, dans le quartier de Belleville, par la BAC. Deux patrouilles tournaient en sachant ce qu’elles cherchaient. Dans un sac, les flics trouvent une bombe de peinture et nos doigts sont un peu trop noirs à leur goût. Notre passage au commissariat ne dure pas longtemps, juste assez pour que les bleus sortent la panoplie de leurs vieilles ficelles, moins pour faire parler que pour mettre la pression. Dans l’après-midi du 13, ceux de la SAT-Brigade Criminelle viennent nous chercher, sourire aux lèvres. Il est dès lors assez clair que les tags ne seront qu’un détail insignifiant, un prétexte pour nous faire tomber.

« C’est con, vous vous étiez calmés, on allait en finir avec tout ça, mais là vous relancez tout. » Quelques tentatives d’auditions, pour la forme. Avant ça, des perquisitions pour mettre à jour leurs archives de publication, foutre un peu de bordel. Dans les bureaux, des notes accrochées nous informent de plaintes déposées par la Croix-Rouge. Nous sommes vite fixés. Déjà, au comico du XXe, les flics parlaient d’une réunion exceptionnelle entre eux, après un coup de fil du 36 Quai des Orfèvres, concernant les dégradations sur plusieurs locaux de la Croix-Rouge à Paris, la nuit du 11 au 12 janvier. D’autres tags ont visé la Maison de la Justice et du Droit, dans le Xe arrondissement. La Section Anti-Terroriste sur les dents pour des tags ? Il y a quelque chose qui cloche là-dedans. La nuit de notre arrestation, ce sont des tags portant des messages de solidarité avec les révoltes des dernières semaines en Tunisie, en Algérie, contre l’État, qu’il soit dictatorial ou démocratique. On nous interroge donc là-dessus, mais aussi sur les tags de la nuit précédente, sous prétexte que les thèmes seraient proches (c’est vrai que très peu de personnes manifestent leur hostilité à l’État…), et que des expressions comme « Crève l’État » reviendraient dans les deux cas.

Au-delà de ces faits particuliers, on nous reproche surtout la continuité des activités, de notre participation à des luttes, et donc des liens de complicité et d’amitié tissés au cours de ces luttes. Dans ce contexte, la prison pour punir une violation du contrôle judiciaire qui nous interdisait, pour deux d’entre nous, de nous voir et de communiquer, a clairement pour but d’anéantir toute forme de lutte et d’organisation informelle qui échappe au cadre démocratique et à son contrôle sociale.

L’association de malfaiteurs, même si elle n’est pas formellement évoquée dans notre cas, reste l’obsession de ceux qui s’emparent de tout fait, même aussi « anodin » que des tags, des fumigènes, des affiches, pour les faire rentrer dans le moule « mouvance anarcho-autonome » ; Une construction bien pratique, pour séparer de force les uns, terroriser les autres, démarquer éventuellement les « leaders » des « sympathisants », « théoriciens » et « colleurs d’affiches », « préparateurs » et « exécutants », bref selon le modèle autoritaire et hiérarchique qui est bien celui de la société que nous combattons, et qui nous dégoûte en tous points. Ce genre de coups de pression, eu moment où certaines luttes, contre les centres de rétention et toute forme d’enfermement par exemple, semble marquer le pas, font office de « principe de précaution », afin de tuer dans l’œuf toute velléité de conflictualité contre ce qui nous domine. Les plaintes régulières de la Croix-Rouge participent pleinement à cette offensive des flics, ne perdant pas une occasion de collaborer avec ces derniers. Main dans la main pour la gestion des prisons, main dans la main dans la répression des luttes anti-autoritaires. Un peu de peinture pour ces humanitaires aux mains rouges, ce n’est pas cher payé…

Au-delà de telle ou telle pratique et moyen employé dans la lutte (puisque aussi bien sont évoqués incendies, destructions ciblées, simples dégradations, occupations collectives…), c’est la lutte elle-même et ce qu’elle porte en termes de désirs et de perspectives (un monde sans exploitation, sans fric, sans prisons, sans État) que le pouvoir veut étouffer. Cela est tout sauf la conséquence d’un état, ou de « lois d’exception ». La liberté et la démocratie n’ont rien à faire ensemble. Il faut être un sacré menteur pour affirmer le contraire. Ce qui les emmerde, c’est que notre rage, nos révoltes, et nos luttes, n’ont rien à réclamer, rien à concéder, rien à renier, rien à mendier. Nous laissons tout ça volontiers aux professionnels et opportunistes de la politique. De même, nos amitiés, nos affinités ne sont pas négociables. La liberté que nous voulons est inconditionnelle.

Un slogan de la révolte en Kabylie disait : « Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts ».

L’État peut aussi nous foutre en taule, mais les rapports sociaux existants nous enferment déjà.

Il y a une chose que nous n’oublions pas : nous n’avons qu’une vie.

Résumons : « pas de liberté pour les ennemis du pouvoir », nous disent-ils. Nous leur disons : « pas de paix pour les ennemis de la liberté ».

Olivier

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« Lettre à Yves C. à propos de son article « Emprisonnés depuis la mi-janvier, Dan et Olivier ont besoin de notre solidarité matérielle et politique »

Cher Yves,

Je me permets ici de répondre publiquement à ton communiqué daté du 20 février 2011 et intitulé « Emprisonnés depuis la mi-janvier, Dan et Olivier ont besoin de notre solidarité matérielle et politique ». Il ne s’agit aucunement de créer la polémique pour la polémique, au contraire, il s’agit d’éclaircir quelques pistes souvent boueuses et opaques, souvent évoquées mais rarement approfondies ou soumises à un examen critique posé et serein, du moins publiquement. Cela notamment en raison de la gravité du sujet traité, puisque des personnes ont été ou sont actuellement otages de l’Etat, mais aussi, ce qui revient au même, en raison du chantage affectif qui gravite en permanence autour de ces questions et de l’« urgence » invoquée, qui vient souvent polluer toute réflexion.

Ce que j’ai à dire, en effet, je l’affirme tant aujourd’hui qu’hier, urgence ou pas, car cet argument massue de l’urgence doit cesser de sacrifier sur son autel quelques principes qui pour moi, en tant qu’individualité anarchiste sont essentiels, comme l’éthique, ou le combat de toute forme de politique : chapelet des pires dérives stratégico-tacticiennes. Il s’agit ainsi de permettre à une sincérité si rare et fragile d’émerger au sein d’un milieu militant rangé par les ambitions de pouvoir d’un côté, et par le manque d’audace théorique comme pratique de l’autre (qu’on pourrait résumer rapidement par l’« activisme »).

Tu fais référence à l’affaire de Tarnac, ce qui me permet ici d’exprimer certaines choses que je ressens depuis longtemps, mais qui à l’heure de la publication d’une dernière tribune insoutenable dans Le Monde, a besoin de sortir. Je vais donc saisir l’opportunité de cette lettre de réponse à ton texte, qui fait lui-même la « comparaison », pour exprimer mon aversion profonde pour la stratégie de défense et les offensives médiatiques des inculpés de Tarnac.

Tu commences ton texte en soulignant que cette intelligentsia de gauche qui a fini par devenir le principal soutien médiatique des inculpés de Tarnac, n’a pas daigné s’intéresser l’affaire de Dan et Olivier, ce qui est parfaitement vrai. Mais cela est loin d’être un hasard, et j’ose imaginer que si cela avait été leur volonté, ils auraient tout aussi bien pu, également, faire vibrer la corde du scandale et de l’indignation, noircir les pages des quotidiens et des hebdomadaires de la bourgeoisie, envoyer leurs familles sur les lignes de front médiatiques, convoquer des élus à leurs parloirs et exploiter au maximum le potentiel marketing de leurs histoires. Car si l’on coupe les choses en quatre et qu’on ne garde que le plus truculent, on pourrait résumer cette affaire à la romantique affirmation qu’« ils ne sont que des jeunes, bien intégrés dans la société, qui ont décidé sur un coup de tête maladroit et soixante-huitard, de repeindre quelques murs de leur poésie juvénile, et que l’infâme bulldozer judiciaire à la botte d’un président néo-fasciste et pas gentil, a décidé de détruire en les incarcérant », suivi de la cohorte habituelle de pétitions et de « J’accuse » de la petite bourgeoisie de gauche des beaux quartiers.

Imagine un peu les gros titres ! « Nouvel échec de la politique sarkozyste », « Portrait de cette nouvelle jeunesse en colère » commentés autour d’une coupe de champagne aux soirée de Monsieur l’ambassadeur. Je m’égare mais je m’amuse.

La surexposition médiatique de l’affaire de Tarnac (ou plutôt de ses inculpés) ainsi que son instrumentalisation consentie au profit d’une recomposition de la gauche, sont le résultat des choix qui ont été faits par les inculpés et qui ne seront jamais ceux de Dan et Olivier.

Voilà donc pourquoi le silence médiatique de la presse et des intellectuels germano-pratins, bien heureusement, entoure cette affaire. Mais il faut noter quelque chose de réjouissant, c’est qu’à ce silence se superpose le fracas des compagnons et camarades qui sont venus poser le problème de cette affaire, et du système qui l’a provoqué, dans le social, dans la rue, plutôt que dans les salles de rédactions putrides des médias et les hémicycles plaqués or de la démocratie. Tables de presse, discussions, ballades, tracts, affiches, actions de solidarité à travers la France et ailleurs ont ponctué leur incarcération et continuent de le faire. Mettant toujours en perspective ces arrestations avec les questions de la machine à expulser et des révoltes actuelles des pays arabes. Rappelant aussi à chacun que ce cas n’est qu’une infime partie des conséquences d’un mode de gestion de la guerre sociale, et au passage, qu’il n’y a ni deux, ni neuf prisonniers en France, mais bien 65 000, et qu’une bonne centaine de milliers d’autres naviguent entre contrôles judiciaires, bracelets électroniques, assignations à résidence et attente d’exécution de leurs peines de prison ferme. Et que la prison, c’est aussi les centres de rétention, l’enfermement psychiatrique et la société en général.

Voilà notamment, quelques-unes des choses que les inculpés de Tarnac ont oublié, à dessein, d’affirmer dans leur défense, suivis par une cohorte de comités de soutien tout aussi confus qu’amnésiques.

Comme tu le soulignes avec raison, ils ne demandent « aucune faveur particulière à l’Etat républicain bourgeois ou à ses soutiens socialistes ou communistes ». Cela tout simplement parce qu’ils font partie du problème de ce qu’ils combattent. Il leur paraîtrait inacceptable alors de faire front commun avec tous ceux qui demain les enfermeront à leur tour. Et ce n’est pas un hasard si les inculpés de Tarnac n’ont jamais affiché dans leurs interventions publiques l’un des principes fondamentaux de tout révolutionnaire un tant soit peu anti-autoritaire : le fin de la prison sous toutes ses formes et la fin de l’Etat. Car ce serait pour eux, s’amputer du soutien de toute une gauche qui expulse, enferme et assassine. Ce serait se mettre à dos le syndicat de la magistrature qui fait son beurre dans la profession d’enfermer, le PS qui a mis en place un système d’expulsion des sans-papiers dont la droite au pouvoir n’a fait qu’entretenir les rouages, etc. Aussi, à force de mettre en valeur le caractère soi-disant « exceptionnel » de la juridiction anti-terroriste, ils ont presque fini par faire accepter le droit commun, qui touche bien plus d’êtres humains, comme Dan et Olivier et tant d’autres.

Voilà pourquoi, à la lecture de l’article « Paris-Texas, une proposition politique des mis en examen de Tarnac » publié dans Le Monde du 25 février 2011 le seul sentiment qui m’a traversé fut le dégoût. Cette diatribe anti-sarkozyste à la forme si soignée, réussit mal à cacher qu’elle n’atteint même pas le degré zéro de l’analyse pourtant suffisante pour entrer au panthéon de l’activisme. En effet, ce texte brille par son vide idéologisé, typique de ce que toi même tu analyses régulièrement dans ta revue, cette gauche radicale « anti-fasciste » qui se cherche et se trouve au gré des contre-sommets et qui a trouvé dans l’affaire de Tarnac un véritable tremplin ainsi que quelques leaders de conscience.

Mais rien de neuf sous le soleil, le dégoût dont je parlais n’est pas le résultat de cela, ce dégoût est provoqué par la tentative de récupération qui est faite à leur encontre. Ils y sont présentés comme leurs « camarades », des « opposants » ou encore comme une « jeunesse politisée ». Y sont aussi instrumentalisés les compagnons persécutés par l’Etat grec.

J’espère ne pas avoir trop profité de cette réponse à ton texte pour tenter de répondre partiellement à l’offensive politique des « épiciers-terroristes » apprentis menuisiers et des adeptes crédules qui composent pour l’instant leur cour. Il s’agit seulement d’ajouter quelques éléments entre les lignes. En espérant soulever un débat qui existe déjà depuis longtemps chez de nombreux anti-autoritaires et que je ne souhaite ici que réintroduire avec mes mots.

Au plaisir, donc, de provoquer à nouveau cette discussion loin d’être terminée, mais aussi que ces tentatives de récupération politique ne salissent pas les compagnons incarcérés.

Dan

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