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Droite, extrême droite et religion

jeudi 30 décembre 2010

Cet article fait partie d’une série de textes sur les rapports entre religion et laïcité, d’un côté, gauche républicaine xénophobe, droite et extrême droite, de l’autre :1582, 1595, 1594, 1593, 1586, 1507, 1505 et 1472 qui feront ultérieurement l’objet d’une publication améliorée en fonction des critiques et réactions provoquées par les positions qui y sont défendues. (Ni patrie ni frontières)

La droite et l’extrême droite évoluent – ce qui ne les rend pas moins dangereuses

De même que nous devons changer notre regard sur les croyants (cf. Les religions évoluent, ce qui ne les rend pas moins dangereuses), nous devons aussi modifier notre façon de considérer les liens entre la droite et l’extrême droite, d’un côté, les religions de l’autre.

Soyons clairs. Pour l’essentiel, la droite et l’extrême droite ne sont pas devenues athées, ou des partisanes enthousiastes du rationalisme, du matérialisme scientifique et des Lumières. Mais elles ont évolué idéologiquement, tous comme les croyants de base, en particulier les catholiques dans un pays comme la France.

Il est d’usage de brocarder Sarkozy (deux fois divorcé) pour ses convictions religieuses, de le comparer aux néo ou aux théoconservateurs américains ou à Berlusconi. Mais peu de gens ont remarqué ce qu’il écrivit dans son livre La République, les religions, l’espérance à propos de l’homosexualité ; ni le fait qu’il considère que la droite a fait une erreur en s’opposant au PACS ; ou qu’il critiqua les déclarations du député UMP Christian Vaneste (pour qui « l’homosexualité menace la survie de l’humanité » et il n’existe pas de différence notable « entre pédérastie et pédophilie » !) en ces termes : « Je condamne fermement ce qu’il a dit. Je ne veux ni de près ni de loin être associé à des propos homophobes. »

On est quand même très loin du « Il vaut mieux avoir la passion des belles femmes qu’être gay » de Berlusconi ou des discours théo- ou des néo-conservateurs américains qui veulent censurer ou interdire tous les livres, films, émissions de télévision, etc., qui offrent une vision positive de l’homosexualité.

Et cette opinion de Sarkozy vis-à-vis de l’homosexualité n’est pas simplement liée à un trait national, au libertinage qui serait, selon la légende, une caractéristique française voire gauloise ; elle reflète une évolution profonde de la droite, et peut-être demain de l’extrême droite dans ce pays.

L’extrême droite française est souvent assimilée à ses fractions national-catholiques, celle du courant Chrétiens Solidarité, du journal Présent et de Bernard Anthony, ou des lefebvristes (Lehideux and Co). Or, cette extrême droite catholique ou celle de l’Action française (qui s’est récemment distinguée par une affiche prônant un « nationalisme intelligent » !) sont en pleine régression. La seconde, la droite monarchiste, a pratiquement disparu depuis la Libération ; quant à la première – les partisans de Mgr Lefebvre (par ailleurs récemment réintégrés dans l’Eglise) – ou les nationaux-catholiques de Présent, ils ne constituent qu’une minorité des catholiques. Seuls 20% des catholiques (pratiquants) votent pour l’extrême droite (FN, MNR et MPF).

Cela ne veut pas dire que les autres courants de l’extrême droite, qu’ils soient païens (Alain de Benoist et la nébuleuse de la « Nouvelle Droite ») ; nationaux-révolutionnaires, nationaux-bolcheviques partisans d’une Troisième voie entre le capitalisme et le socialisme ou solidaristes ; ou nationaux-populistes (le FN) n’essaient pas d’instrumentaliser la religion et en particulier le christianisme. Le Pen se vante d’être catholique, d’aller à la messe et fait souvent référence à Dieu et à l’Eglise dans ses discours. Il perpétue le mythe de la « France, fille aînée de l’Eglise », défend la conception d’un « nationalisme intégral » chère à Maurras et reposant sur les valeurs chrétiennes fondatrices de la civilisation occidentale. Mais il a également fait entrer au Front national toutes sortes de groupuscules ou d’intellectuels, devenus ensuite des dirigeants du FN comme Bruno Mégret (jusqu’à son départ en 1999 et à la fondation du Mouvement national révolutionnaire), ou Yvan Blot et Jean-Yves Le Gallou qui faisaient partie des courants païens ou de la « Nouvelle Droite », beaucoup plus proches des « droites révolutionnaires » (GRECE, Identitaires et néo-nazis de tout poil).

L’extrême droite européenne est en pleine évolution idéologique depuis au moins trente ans. La fraction des nostalgiques purs et durs du nazisme, du fascisme et du pétainisme, du franquisme ou du salazarisme se réduit avec le temps. Ceux qui ont connu cette période et en ont été des acteurs sont morts ou grabataires. Leurs enfants, s’ils ont suivi le même chemin politique, atteignent aujourd’hui les 70 ans. Et même si les fascistes, comme le chiendent, sont une espèce particulièrement résistante, ils ne se reproduisent pas assez pour constituer la majorité de l’extrême droite actuelle. Il n’y a pas, en Europe, de parti de masse qui fasse explicitement référence au fascisme ou au nazisme et recueille suffisamment de voix pour être présent au Parlement.

En dehors de ses raisons généalogiques, il y en a une plus importante : depuis trente ans, sous l’impulsion de la « Nouvelle Droite » française, un peu partout en Europe, l’extrême droite a récupéré, ou tenté de récupérer, une partie des thèmes lancés par les « gauchistes » et la gauche des années 60 et 70 : le droit à la différence, le multiculturalisme, le soutien aux mouvements régionalistes, la critique de l’impérialisme américain, la dénonciation du sionisme et de la politique d’Israël, le soutien aux Palestiniens et bien sûr l’écologie profonde ou à tonalité mystique selon les courants.

En récupérant ces thèmes, l’extrême droite n’a pas seulement procédé à une manœuvre tactique habile consistant à occuper le terrain de l’adversaire, en lui piquant ses mots et ses thèmes de prédilection ; elle a aussi modernisé, relooké, de vieilles idées qu’elle avait toujours défendues mais qui commençaient à paraître complètement « ringardes » : le lien à la terre et au terroir, la défense des langues nationales et régionales, la peur de toute influence étrangère (que ce soit sur le plan économique ou culturel), la défense de la nature (considérée comme étant la source de l’identité, de l’ « ethnie », de la « race »).

Cela fait longtemps que la droite et l’extrême droite françaises ont repris à la gauche et à l’extrême gauche la défense d’un thème comme celui de la nation : depuis l’Affaire Dreyfus, au moins la droite gauloise se présente comme plus nationaliste, plus patriote que la gauche. Mais la droite et l’extrême droite sont-elles capables de reprendre à leur compte la défense de la laïcité, surtout de la laïcité « à la française », des Lumières et du matérialisme scientifique ?

Du côté de l’UMP, il est assez évident que la droite a évolué : tous ses discours sur le voile, sur la burka, sont accompagnés d’une défense non seulement de la laïcité « à la française » mais aussi des droits de la femme. Aussi démagogiques et non suivis d’effets que soient ces positions, elles constituent un écran de fumée redoutable.

En revanche, pour l’extrême droite c’est moins évident, surtout si l’on pense aux intégristes catholiques. Mais cela n’a pas semblé poser le moindre problème à Fabrice Robert, ex-conseiller régional du Front national devenu dirigeant du Bloc Identitaire, partenaire très apprécié par les républicains de gauche de Riposte laïque. Les Identitaires sont certainement le courant le plus imaginatif au niveau culturel, en fidèles disciples du GRECE et d’Alain de Benoist. Ils perpétuent la tradition des néo-païens, courant qui ont toujours été influents dans des groupuscules violents comme Jeune Nation, le REL, Occident, Ordre Nouveau, le Parti des Forces nouvelles, le GUD, le PNFE, Troisième Voie, Unité radicale et maintenant le Bloc identitaire.

Il ne faut donc pas s’étonner que cette fraction de l’extrême droite n’ait eu aucun mal à s’allier aux militants de gauche de Riposte laïque, puisqu’elle est radicalement antichrétienne depuis toujours – donc aussi antimusulmane.

Il est par contre un peu plus étonnant que les villiéristes, très proches des traditionalistes catholiques, se soient alliés à Riposte laïque, ou que Alexandre Varaut, avocat formé dans les rangs de l’Action française, ait défendu Fanny Truchelut, cette aubergiste, soutenue par Riposte laïque car condamnée pour avoir refusé que deux de ses clientes portent le hijab dans les parties communes du gîte qu’elle gérait. Dans ce cas, c’est effectivement la seule opposition à l’islam, combinée bien sûr à la xénophobie, qui explique leur participation à la coalition xénophobe des apéros saucisson-pinard.

Y.C.

25/12/2010

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