mondialisme.org

La lutte de classe telle qu’elle est : racisme et antiracisme

vendredi 18 septembre 2009

Ce texte a été publié dans Echanges n° 128 (printemps 2009). Nous avons publié aussi La grève de Lindsey dans quelques publications et Les travailleurs de Total à Lindsey restent combatifs

La raffinerie Total (Lindsey Oil Refinery, LOR) à Lindsey près d’Immingham sur la côte de la Mer du Nord, dans ce qui fut le cœur industriel de l’Angleterre (Lincolnshire), s’agrandit. Comme d’autres chantiers d’agrandissement ou de construction d’usines du secteur de l’énergie, elle emploie des travailleurs occasionnels (plus de 3 000 non-Britanniques dans ce secteur, sur plus d’une vingtaine de chantiers) œuvrant pour des sous-traitants, les contrats de travaux d’ingénierie étant confiés aux moins offrants, ceux qui peuvent garantir le meilleur taux d’exploitation du travail (salaires et conditions de travail). 600 de ces « contractuels » sont déjà exploités sur le site de LOR. De même, Alstom agrandit la centrale de Staythorpe près de Newark-on-Trent, dans le Nottinghamshire, et le sous-traitant emploie 800 travailleurs polonais et espagnols non syndiqués, refusant même d’examiner la simple candidature d’un travailleur britannique.

De telles situations ont toujours existé à plus ou moins grande dimension. Quand un entrepreneur œuvrait sur un chantier de construction – qu’il s’agisse d’une simple maison, d’une usine ou d’un projet pharaonique, quel que soit le site de ce chantier sur une commune voisine ou sur le territoire national ou dans le monde entier –, il amenait au moins une partie des travailleurs, ne recrutant souvent sur place que des travailleurs non qualifiés. Il s’agissait, pour les grands chantiers, souvent aussi de sous-traitants et celui qui l’emportait était le moins offrant, ce qui inévitablement signifiait entre autres des conditions d’exploitation plus dures pour les travailleurs de ce sous-traitant. Dans ces conditions, on pouvait trouver des compétitions et des conflits entre la main-d’œuvre locale et la main-d’œuvre « importée ».

Comme il le fit autrefois à l’échelle des régions et des pays, le capitalisme joue la carte des migrations internes à l’échelle de l’Europe, de façon à entraîner une baisse du prix de la force de travail (salaires et conditions de travail) donc une mise en compétition des travailleurs et une division de fait qui n’est pas sans laisser de traces dans les relations humaines et les solidarités. La libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne permet l’exploitation des travailleurs des derniers Etats admis (les pays de l’Est) en les utilisant, dans le pays où s’exécutent les travaux ainsi sous-traités, dans les conditions en vigueur dans leur pays d’origine. C’est une situation parfaitement légale de par les traités unissant les Etats de l’Union. Cela a été de plus confirmé en décembre 2007 par deux arrêts de la Cour européenne de justice. L’un précise que ce sont les conditions de travail du pays d’origine qui peuvent continuer à s’appliquer où qu’ils travaillent dans l’UE et interdit aux syndicats d’engager des actions revendicatives sur ce point. L’autre, au nom de la « liberté d’établissement », légalise le recours aux « pavillons de complaisance » exploitant des marins du monde entier à des conditions très en deçà de celles que des décennies de lutte avaient imposé pour les marins nationaux.

La grève sauvage s’étend

Sur le site LOR de Total, œuvre sur les travaux d’extension un sous-traitant, Shaw, qui a déjà perdu un tiers du marché et licencié une partie de ses ouvriers, en grande partie britanniques. C’est alors, le 28 janvier, que la direction de LOR annonce qu’une partie des travaux seront confiés à une société italienne, IREM, laquelle embauchera 200 à 300 travailleurs italiens et portugais. Une centaine d’entre eux sont déjà sur place, logés sur des péniches dans le port de Grimsby, et d’autres doivent venir les rejoindre. Une grève sauvage éclate alors sans aucun préavis, demandant que des travailleurs britanniques soient employés pour ces travaux. Un comité de grève est constitué. La grève sauvage, rapidement connue par Internet et les portables, s’étend immédiatement sur une douzaine d’autres sites de construction, pas seulement de Total mais aussi d’autres raffineries et des centrales électriques, là où travaillent plus de 3 000 travailleurs européens non-britanniques chez des sous-traitants, dans des conditions identiques, pour des salaires et dans des conditions de travail inférieurs aux normes locales.

Les syndicats Unite et GMB prennent toute l’affaire en mains bien que leurs positions sur ce problème soient particulièrement ambiguës. Malgré des pressions constantes de la base des travailleurs de ce secteur, ils ne peuvent que traîner, leur existence officielle et les lois britanniques sur les conflits du travail leur interdisant toute action illégale. Tout ce qui leur reste, et c’est ce qui apparaîtra dans ce conflit, c’est la médiatisation d’un populisme verbal. Le conflit est immédiatement porté devant l’organisme officiel de médiation ACAS (Advisory Conciliation Arbitration Service) où se retrouvent les représentants du gouvernement, des syndicats, de Total, d’IREM mais où la pression de la base contraint d’accepter la présence de représentants du comité de grève de LOR.

Un premier accord qui prévoit l’embauche de 60 travailleurs britanniques (40 non-qualifiés, 20 qualifiés) est refusé par les grévistes de LOR. Quelques jours plus tard, un autre accord est présenté aux grévistes : il prévoit que sur 198 embauches par IREM, 101 seront britanniques et qu’aucun des 300 travailleurs italiens et portugais ne sera licencié. Le gouvernement promet qu’il engagera des pourparlers pour tenter d’harmoniser les conditions de travail de tous les travailleurs employés sur ces sites, mais on ne sait pas trop en quoi consistent exactement ces engagements. Toujours est-il que ce dernier accord est accepté par les travailleurs de LOR.

Apparemment cela a suffi pour arrêter l’extension des grèves, qui semblaient être des mouvements de solidarité autant que visant le problème de l’emploi d’immigrés européens. Pourtant, sur certains sites de construction de centrales thermiques (Staythorpe et Isle of Grain) par Alstom maître d’œuvre, des actions continuaient de se dérouler le 11 février contre les sous-traitants. Tout en serait resté là si le gouvernement et les médias n’avaient fait grand cas de cette grève avec un écho dans les cercles européens, tant patronaux que politiques de gauche, mais pas sur les mêmes thèmes.

La crise frappe particulièrement la Grande-Bretagne. Les deux mamelles de sa prospérité relative des dernières décennies se sont effondrées. Le prix du pétrole, après son envolée spéculative, est redescendu à des niveaux dérisoires ; l’effet en est d’autant plus ressenti que la production de pétrole et de gaz décline lentement par épuisement des puits. Toute la sphère financière est à la dérive et le gouvernement doit renflouer – nationaliser – les plus importants établissements financiers.

Parallèlement, ce qui reste du secteur industriel (1) subit durement le contrecoup de la crise financière. Le résultat est une augmentation brutale du nombre des chômeurs, passés à 2 millions fin 2007 avec une prévision d’une envolée à 3 millions courant 2009. Un retour aux chiffres atteints en 1982, suite aux mesures prises par Thatcher d’ouverture totale du marché britannique au nom du libéralisme, ce qui permit de briser la combativité ouvrière ; cependant, cette fois, ce n’est pas un problème purement britannique mais un problème mondial et de telles manipulations ne sont plus de mise.

Les secteurs les plus touchés par le chômage sont le secteur financier (notamment la région de Londres et la City) et le bâtiment, en raison comme aux Etats-Unis des prêts hypothécaires et de la spéculation immobilière (2). C’est dire que ces travailleurs du bâtiment dont font partie ceux embauchés sur les sites du secteur de l’énergie, pouvaient s’estimer directement lésés par l’embauche d’ouvriers italiens.

Lors du congrès du Parti travailliste de septembre 2007, le leader du Labour et premier ministre Gordon Brown, devant faire face à des échéances électorales, s’était lancé dans un populisme de mauvais aloi en reprenant le slogan ultra-nationaliste (3) « des emplois au Royaume-Uni pour des travailleurs britanniques ». Cette déclaration lui avait valu immédiatement les critiques du parti conservateur, relayant les positions du patronat britannique. C’est l’intérêt bien compris du capital d’utiliser tant que faire se peut, en toute légalité, des travailleurs européens sous-payés. Cela non seulement fait baisser directement le coût de la force de travail mais, indirectement, fait pression sur les salaires de tous les travailleurs, d’autant plus fortement que le chômage croît quotidiennement. Ce n’est nullement un paradoxe de voir le patronat et la couche politique qui lui est plus directement liée défendre des positions européennes. Mais pas n’importe quelle position européenne, celle qui a été rappelée ci-dessus.

Manipulations médiatiques

La grève sauvage et son extension rapide ont pourtant un tout autre sens. Elle a réveillé les vieilles inquiétudes sur la lutte de classe et tout le passé des luttes depuis la dernière guerre mondiale (4). Ces craintes ne sont pas surfaites. Dans les années récentes, des amorces de telles extensions de grèves locales ont déjà eu lieu notamment dans les postes et les transports. On se trouve en présence d’une catégorie de travailleurs en général qualifiés, se retrouvant sur des chantiers de même nature dans le monde entier, ayant les mêmes problèmes dans leurs relations de travail et vraisemblablement ayant même des relations personnelles, une sorte de réseau horizontal. La solidarité de classe peut s’affirmer et explique la fulgurante extension du conflit.

En dénonçant, en contradiction avec ses propos antérieurs, le caractère « xénophobe » de la grève, en ouvrant ainsi la porte à une polémique sur le « racisme » des travailleurs, en l’occurrence britanniques, en rompant le fer à ce sujet avec les conservateurs et le patronat, le gouvernement provoquait un débat qui pouvait n’être que politique et idéologique mais qui en fait divisait un front de classe que la crise tendait à reconstituer. Une série de détails entourant les manipulations médiatiques autour de cette grève tendent à montrer tout l’arrière-plan concerté d’une opération politique recherchant cette division.

Un seul exemple pour illustrer cette manipulation. Interrogé par un journalise de la BBC, la télévision britannique, un gréviste de LOR déclarait : « On ne peut pas travailler avec des Portugais et des Italiens, on est complètement séparés d’eux, ils viennent avec leurs propres sociétés. » Une telle déclaration relatait simplement un fait, à savoir que non seulement la langue mais l’ensemble de leurs conditions de travail, sans compter leur logement et leur condition juridique d’employés par une société étrangère, rendait particulièrement difficile tout contact voire toute solidarité. La grève de LOR a permis de savoir que ces travailleurs italiens (comme sans doute d’autres immigrés temporaires, « importés » sur un chantier « étranger »), étaient parqués dans des péniches amarrées dans le port proche de Grimsby (avec bar et petit cinéma intégré), derrière un cordon de barbelés de 2,50 m, et que même un représentant de la télévision italienne n’avait pu y avoir accès (évincé par des gardes) et avait dû se contenter d’interroger un représentant britannique du comité de grève.

Ce propos que nous venons de rapporter a été tronqué dans l’émission de télévision, et condensé dans cette seule phrase : « On ne peut pas travailler avec des Portugais et des Italiens », qui insistait sur le rejet de l’étranger et la fermeture à l’immigration.

Ce n’était pas le seul indice de manipulation. Pour autant qu’une pancarte individuelle dans une manifestation ne représente que l’opinion de celui qui la brandit, les reportages sur les manifestations pouvaient insister sur des pancartes anti-immigrés et en ignorer d’autres portant des slogans internationalistes : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous. » Derek Simpson, un des leaders du syndicat Unite (5) impliqué dans cette lutte (ayant d’ailleurs plutôt pris le train en marche) pouvait déclarer, sans crainte d’être désavoué par les travailleurs en grève : « Ces grèves n’ont rien à voir avec le racisme ou l’immigration. C’est une question de classe. » Mais en même temps, effet de ce double jeu que nous avons évoqué, il pouvait apparaître sur un tabloïd, le Daily Star, entouré de deux filles en maillots de bain aux couleurs du drapeau britannique et portant l’inscription « British Jobs for British Workers ».

A l’appui du refus d’affirmer des positions nationalistes et racistes, on peut citer le rejet par les grévistes de toute tentative d’approche du parti ultra-nationaliste BNP (6), même si ses slogans ont pu être repris par des manifestants de même que par le premier ministre une année auparavant. Il est bien certain qu’une partie des travailleurs peuvent soutenir des positions racistes – en témoignent ces pancartes admises dans les manifestations, ces inscriptions, le déploiement de drapeaux britanniques et cette manifestation hostile aux docks de Grimsby devant la péniche « hébergeant » les travailleurs italiens aux cris de « Go back to Italy » (7). Mais dans l’appréciation de ces paroles ou actes, il faut prendre garde d’une part aux généralisations, aux invectives dans une situation précise et au fait que de tels propos dans la bouche d’un travailleur n’ont pas forcément le même sens que dans la tête d’un intellectuel ou d’un politique.

Unification des droits

Dans les faits, les grévistes n’ont à aucun moment exercé aucun chantage sur les travailleurs italiens ou portugais ou exigé leur rapatriement (8). L’essentiel des actions était dirigé contre le gouvernement et le patronat qui, d’une manière ou d’une autre autorisaient ce dumping social. A Plymouth, la grève de solidarité revendiquait une unification des droits pour tous les travailleurs quels qu’ils soient. De même, dans les meetings, outre la question de l’embauche des Britanniques, les revendications portaient sur les mêmes droits syndicaux pour tous, un accord national pour une unification des salaires et des conditions de travail identiques.

Les débats sur le « racisme ouvrier » ont largement masqué le caractère de classe de la grève et surtout la forme qu’elle prenait, balayant tous les contre-feux édictés durant l’ère Thatcher et maintenus intégralement par la « gauche » travailliste au pouvoir depuis des années. Un article du Financial Times ( le quotidien de la finance mondiale) du 7 février 2009 relativisait cette grève sauvage axée sur l’utilisation de travailleurs étrangers qui reprenait le style des conflits des années 1970, en la replaçant dans le contexte d’une vague de conflits sociaux au Royaume-Uni au cours des dernières semaines. La préférence donnée aux travailleurs non britanniques (et la motivation de cette campagne) n’est pas tant une question de salaires, mais que ces travailleurs sont beaucoup moins enclins à se lancer dans des grèves sauvages.

La « maladie anglaise » est toujours latente et l’article cite deux exemples récents. Un site de construction d’une centrale thermique à Southampton a connu, en mars, des débrayages de « sympathie » ( totalement illégaux), pour la mort d’un retraité ou pour le décès d’un proche d’un des travailleurs. A Lindsey, là où la présente grève a débuté, la raffinerie et l’ensemble du site ont connu en un an (de novembre 2007 à novembre 2008) 22 400 journées de grèves sauvages, une journée pour chacun des 25 000 travailleurs du site, 32 fois plus que l’ensemble des travailleurs britanniques.

Ces débrayages peuvent concerner des sujets apparemment aussi futiles que la pause pour le thé ou le dysfonctionnement d’une chaudière. Les médias gardent le silence sur la persistance des résistances des travailleurs britanniques à la pression de la productivité, que le patronat feint de son côté d’ignorer. Une des raisons données par LOR du non-renouvellement du contrat du sous-traitant Shaw en faveur du sous-traitant italien était la crainte d’une faible productivité qui ne permettrait pas l’achèvement du chantier en temps voulu.

Spontanéité, solidarité

S’il y a une analyse à faire de cette grève, c’est celle de la manière dont des conflits peuvent surgir et se répandre :

– son caractère de grève sauvage spontanée balayant toutes les digues législatives, édifiées précisément pour prévenir leur éclatement et punir les contrevenants. Face à une telle expansion, tout l’arsenal répressif est inopérant. Depuis plus de cinq ans, la base posait ce problème de l’emploi préférentiel des travailleurs non britanniques, mais la bureaucratie syndicale « traînait les pieds » ;

– le développement d’une grève de solidarité (solidarité d’intérêt et pas idéologique) à l’échelle nationale prend une signification particulière car toute une partie de cet arsenal répressif vise précisément à les éliminer en tant que manifestation de la force d’un prolétariat uni ; – la formation d’un comité de grève, dont on sait peu de chose. L’affirmation de son existence au moment de participer aux pourparlers a montré qu’il s’affirmait face aux appareils bureaucratiques.

Malgré tout et ignorant non seulement le contexte général et le sens particulier de cette lutte, l’irruption des commentaires politiques et médiatiques plus ou moins manipulés a fait resurgir le vieux débat sur le racisme, la classe ouvrière et la lutte de classe. Ce débat a débordé largement les frontières du Royaume-Uni et, ce faisant, s’est enfoncé de plus en plus dans des méandres idéologiques bien éloignés de la réalité de la lutte de classe. S’il est un pays où ces questions ont fait partie d’une réalité quotidienne comme de débats idéologiques, ce sont bien les Etats-Unis avec le « problème noir », les relations entre les prolétaires blancs et noirs depuis la fin de l’esclavage et leur manipulation tant par le patronat que par les syndicats. Nous pensons que les réflexions de Martin Glaberman et Seymour Faber (9) permettent bien mieux de clarifier ce que peut signifier les constations de racisme dans les luttes ouvrières et que nous n’avons pas à y ajouter d’autres commentaires :

« Bien que la classe ouvrière constitue un tout bien défini, où tous partagent certaines caractéristiques, elle n’est pourtant pas homogène. On y trouve des différences d’âge, de qualifications, de situations géographiques, de sexe et de race. Ces différences ne sont pas simplement des caractéristiques abstraites. Elles sont source de contradictions et de conflits. Pour bien des observateurs, ces conflits tendent à nier les possibilités de révolte ou, du moins, à dévier l’agressivité contre d’autres sections de la classe ouvrière plutôt que contre les employeurs ou, plus largement, contre le système social. La réalité de ces conflits au sein de la classe ouvrière est complexe : elle a pourtant une dimension historique qui reste souvent ignorée (…)

 » (…) La question que l’on pose en général est de savoir si les divisions et les conflits qui tissent l’existence de la classe ouvrière dans cette société rendent impossible tout changement social fondamental. Il me semble que la reconnaissance de ces différences et de ces conflits toujours graves et souvent amers, n’exclut nullement l’éruption de conflits sociaux importants. La preuve en est que dans les grandes crises, le mouvement des masses tend à surmonter les vieilles querelles. La classe ouvrière qui fit la révolution de 1917 était sans doute sexiste, chauvine, en bonne partie illettrée, pourtant elle transforma son monde… On peut dire la même chose des ouvriers hongrois lors de la révolution de 1956 et des ouvriers polonais qui formèrent Solidarité dans les années 1980. Ceci, naturellement, n’est en rien une prédiction. Mais c’est une façon de comprendre que rien dans le passé ni le présent ne justifie l’exclusion de ces possibilités dans l’avenir… » (10).

NOTES

(1) Le secteur industriel traditionnel britannique a été largement décimé sous le gouvernement Thatcher (1979-1990) par l’ouverture du Royaume-Uni à la circulation mondiale des marchandises et des capitaux. Au début des années 1980, 100 000 emplois disparaissaient chaque mois au Royaume-Uni, surtout dans le centre et le nord, qui avaient été le cœur industriel du pays. Aujourd’hui, la récession touche surtout Londres (secteur financier et BTP) et le Sud-Est (industries nouvelles) ; rien qu’à Londres on prédit la disparition de 200 000 emplois.

(2) Le Royaume-Uni a développé le même système de crédits hypothécaires spéculatifs que les Etats-Unis et ses banques se trouvent pratiquement toutes dans une même situation de faillite entraînant leur nationalisation de fait. Le secteur du BTP qui avait connu, pour une bonne part à cause de la construction de maisons individuelles, un essor remarquable, a connu en 2008 une chute tout aussi remarquable, entraînant des dizaines de milliers de licenciements.

(3) Cité dans une note de Philippe Marlière, maître de conférence en sciences politiques à Londres, du 11 février 2009.

(4) Cette résistance que l’on a appelée la « maladie anglaise » fut la résistance des travailleurs britanniques aux transformations économiques de l’après guerre jusqu’en 1979. Cette période et ces luttes sont abordées dans l’ouvrage de Cajo Brendel Lutte de classe autonome en Grande-Bretagne 1945-1977 (disponible à Echanges).

(5) Unite est le plus grand des syndicats britanniques membre de la confédération TUC, formé suite à la fusion de T&G et Amicus et qui compte 2 millions de membres. Derek Simpson en est le secrétaire général adjoint. GMB est aussi un syndicat général, mais plus axé sur les travailleurs des collectivités territoriales.

(6) Le BNP, British National Party, est l’équivalent britannique du Front National de Le Pen ; il n’a pas connu la même dimension électorale mais compte une fraction activiste beaucoup plus « musclée » dans la pratique de raids anti-immigrés. Le British National Party a mené une propagande importante en soutien aux grévistes. Il s’est même doté d’un syndicat appelé Solidarity qui singe le logo de Solidarnosc, le drapeau britannique en plus. Solidarity est a priori un groupuscule d’à peine plus d’une centaine de membres, donc bien incapable d’avoir eu un rôle majeur dans le conflit. Electoralement, le BNP n’a pu rassembler aux élections locales plus de 200 000 voix, bien loin donc des scores qu’ont pu obtenir le Front National en France, le Vlaams Block en Belgique, l’extrême-droite en Autriche ou en Italie. Il n’est même pas sûr que ce soit le BNP qui ait organisé la manifestation d’hostilité devant la péniche-refuge des travailleurs italiens.

(7) Cité par le quotidien The Independent du 31 janvier 2009.

(8) La plupart des 40 ouvriers portugais concernés seraient repartis au Portugal dès l’éclatement de la grève pour « des raisons de sécurité », sans qu’on sache s’ils avaient fait l’objet de menaces ou de violences. L’un d’eux aurait déclaré que son expérience des multiples chantiers du même genre où il avait travaillé dans le monde, lui avait montré que les travailleurs britanniques étaient parmi les plus racistes.

(9) Martin Glaberman et Seymour Faber, Le salariat (travailler pour la paie), les racines de la révolte : les racines de la révolte (éd. Acratie, disponible à Echanges).

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0