1-EXERGUE
« L’alternance de dépression et de prospérité dans l’industrie n’est pas un simple mouvement de balancier. Chaque nouveau mouvement a toujours été accompagné d’une expansion. Après chaque effondrement, chaque crise, le capitalisme a été capable de remonter la pente en étendant son domaine, ses marchés, le nombre de ses produits et l’importance de sa production. Tant que le capitalisme peut étendre toujours plus sa domination sur le monde et accroître ses dimensions, il peut offrir des emplois à la masse de la population. Et tant qu’il pourra faire face à la première exigence de tout système de production : procurer le nécessaire vital à ses membres, il sera capable de se maintenir, parce qu’aucune nécessité inexorable n’obligera les travailleurs à en finir avec lui. S’il pouvait prospérer en s’étendant toujours plus, la révolution serait alors impossible autant que superflue. (...) Les capitalistes d’Europe, puis d’Amérique ont pu accroître leur production avec une telle régularité et une telle rapidité parce qu’ils étaient environnés d’un vaste monde non capitaliste, n’ayant qu’une production très réduite, et étant, à la fois, source de matières premières et marché pour leurs produits. (...) Le capitalisme lui-même, l’exploitation industrielle s’introduisent dans ces pays et, bientôt, les anciens clients deviennent des concurrents.(...) Mais la Terre n’est qu’une sphère dont la surface est limitée. La découverte des dimensions finies du globe a accompagné la montée du capitalisme, il y a quatre siècles ; la prise en considération des limites de ces dimensions montre que le capitalisme a une fin. La population à asservir est limitée. Une fois qu’il aura fait entrer dans son domaine les centaines de millions de personnes qui s’entassent dans les plaines fertiles de Chine et d’Inde, le travail essentiel du capitalisme sera accompli. (...) Aussi l’expansion du Capital se trouvera-t-elle en échec. Non pas comme si un obstacle se dressait soudainement devant elle, mais, peu à peu, par la difficulté de vendre des produits et d’investir du capital. Alors le rythme de développement se ralentira, la production diminuera. Le chômage deviendra une maladie insidieuse. Alors la lutte entre capitalistes pour la domination du monde deviendra plus acharnée, avec en perspective de nouvelles guerres mondiales.(...) Alors ils [les travailleurs] devront assumer la tâche de créer un monde meilleur à partit du chaos engendré par le capitalisme en pleine décrépitude. » (Les Conseils ouvriers, Anton Pannekoek, Spartacus, tome I, p. 146-147.)
Dans ce qui suit, nous essayons de montrer le déferlement de la crise, d’une part ses conséquences sur les conditions d’exploitation et la vie quotidienne, d’autre part les réactions ouvrières dans le monde entier contre toutes ses conséquences. Ce n’est nullement exhaustif : bien des choses ont été omises et chacun peut ajouter à chacun des chapitres ce qu’il connaît par sa propre expérience ou en provenance de l’ensemble des médias.
2 - LA CRISE L’AUTRE FACE DU CAPÎTALISME
Le Capital ne peut survivre que s’il peut se reproduire et s’accroître. C’est-à-dire s’il peut afficher un taux de croissance mondial largement positif. Fin janvier, selon le FMI, ce taux de croissance mondial ne serait que de 0,50 %. Compte tenu du taux encore positif de croissance des pays en développement (notamment Chine et Inde), les pays industrialisés connaissent des taux de décroissance incontrôlés. La seule production industrielle mondiale a décru de 6 % en novembre 2008 et cela continue depuis. Aucun État n’est épargné : moins 7,6 % aux USA, moins 2 % dans l’Union européenne, moins 2,6 % au Japon, moins 2,8 % en Grande-Bretagne. 1,4 milliard de prolétaires vit avec moins de 2 $ par jour ( 1,60 euro), soit la moitié du total mondial exploité ou en réserve. États-Unis – Un seul exemple : la semaine finissant le 10 janvier, les demandes d’allocation chômage ont augmenté de 54 000. Les licenciements pleuvent : Circuit City (chaîne de vente de matériel électrique) 30 000, GE Capital (banque) 11 000, Herz (location de voitures) 4 000, Well Point (santé privée) 1 500, Advance Micro (chips) 1 100, Pfizer (pharmacie) 2 400, Marchall (banque) 830, Delta Airlines (Cie aérienne) 2 000 ; dans l’automobile, Toyota, Nissan et Chrysler annoncent des fermetures d’usines et pour le reste, le passage aux 4 jours travaillés. Les usines en général tournent à 75 % de leur capacité et la production industrielle a chuté en décembre de 2 %. Russie – La production industrielle a plongé de 10,8 % en novembre 2008 par rapport à octobre et de 8,7 % en une année. 200 000 licenciements sont effectifs ou en projet. Le nombre de travailleurs ayant des arriérés de salaires a doublé. Chaque jour annonce des licenciements par dizaines de milliers dans le monde entier ; rien qu’aux USA, 604 000 emplois supprimés en 2008, l’augmentation, selon les branches industrielles, se situant par rapport aux mêmes chiffres en 2007 de 50 % à près de 300 %. 520 000 licenciements sont enregistrés depuis novembre 2008 ; récemment, un seul lundi a enregistré l’annonce de 74 000 licenciements. Conséquence de la crise des subprimes, la dégringolade dans le bâtiment où, depuis septembre 2006, 780 000 emplois ont disparu. En établir la liste serait fastidieux et chacun peut s’en rendre compte depuis son environnement local, jusqu’à ce qu’en disent les médias nationaux et internationaux. Pour l’avenir, les pronostics sont tout aussi flous que les évaluations économiques des « experts » : 20, 30 ou 50 millions de chômeurs en plus en 2009. Les paris sont ouverts pour savoir ce qui créera le plus d’angoisse pour le lendemain. Une dimension du chômage peut être donnée par ce seul exemple : dans le petit État de Rhodes Island, une firme de l’électronique propose l’embauche de 80 travailleurs qualifiés : 500 candidats se présentent. Europe – 3/11/2008 – En 2008, le nombre de faillites s’est accru de 17 %. Sur 220 millions de travailleurs européens, 108 millions sont en situation de précarité. En France, comme ailleurs, la liste des licenciements ou de réduction d’activité s’allonge constamment dans toutes les branches d’industrie. Capitalisme et fraude – La seule loi que connaît le Capital est celle du profit qui vient essentiellement de l’exploitation du travail mais qui peut accessoirement, dans la jungle de la concurrence, venir de malfaçons et fraudes diverses. De telles fraudes et utilisations de produits dangereux ont permis aux médias de stigmatiser la Chine (le futur ennemi héréditaire). Mais aucun pays ne peut se glorifier d’en être exempt : au même moment ressortent de « grosses histoires », celles du porc irlandais à la dioxine, aux hormones de croissance, sans compter les fraudes de moindre importance impossibles à recenser et sans qu’il soit nécessaire de remonter dans le passé. Une enquête récente rien qu’en France a révélé que sur 300 fournisseurs de 12 multinationales françaises, 44,50 % étaient des fraudeurs.
3 - LES PYROMANES POMPIERS LES RECETTES DE BONNES FEMMES
« Demandez aux experts ce qu’il faut faire ? La réponse est “Je ne sais pas” » (Tony Blair, ancien Premier ministre travailliste – socialiste – du gouvernement britannique). D’où viennent les milliards déversés depuis des mois dans le monde entier sur les banques, les industries, par les États, par les banques centrales, par le FMI ? D’après ce que l’on nous dit, de fonds propres, d’emprunts. Quelles seront les conséquences de ce qui ne seraient pas des subventions mais des prêts qui devront être remboursés par les bénéficiaires ? Cela commence par la faillite des plus petits États : l’Islande, l’Irlande, les pays Baltes, l’Ukraine. Mais ces renflouements sont assortis de conditions : des mesures d’austérité qui concernent l’ensemble des travailleurs et ne réussissent guère, comme nous le développeront, à endiguer des protestations de toutes sortes, sous la forme de crises politiques qui masquent mal une crise sociale profonde et générale.
Monde – La guerre unilatéralement « propre ». En 1947, un historien militaire américain a publié un livre bien documenté, Les soldats contre les armes, développant la différence fondamentale entre un soldat réel et un soldat imaginaire parfait. La plupart des soldats réels ne tireraient pas sur l’ennemi. Une bonne partie ne feraient même pas feu et le reste arroseraient leur tir devant eux sans l’ajuster. Ses affirmations furent controversées mais l’expérience irakienne a montré que les dizaines de milliers de balles recensées par ennemi tué l’ont été « inutilement ». Une faible proportion de la troupe engagée dans l’armée de terre (peut-être seulement 1 %) dirige réellement son tir vers un ennemi identifié. Des robots seraient tous des snipers, des tueurs de sang-froid, visant avec une précision inhumaine et sans les hésitations et les cas de conscience des humains. Pour les enrôler, pas besoin de leur accorder des avantages, à eux et à leur famille, de les entraîner ou de leur garantir une retraite. Sur le champ de bataille, leur engagement signifierait la mort certaine de l’ennemi rencontré. Cette robotisation fonctionne déjà avec les drones. L’armée américaine met en œuvre un programme, Future Combat System, impliquant des véhicules blindés automatiques et des robots armés. L’armée américaine ainsi équipée serait soi-disant « irrésistible » sur un champ de bataille. Étant donné l’utilisation des drones, y compris pour la surveillance des banlieues françaises, on peut imaginer le rôle de cette robotisation dans la guerre sociale.
Monde – Toutes les collectivités vivant sur l’activité économique avec les impôts divers, c’est-à-dire sur ce qui est pompé sur la plus-value dégagée dans l’exploitation du travail, se trouvent, à des degrés divers, devoir faire face à la diminution de leurs recettes alors qu’augmentent leurs charges, notamment celles d’assistance aux plus démunis. La situation peut être dramatique dans une ville où la fermeture d’une seule usine tarit complètement les ressources, tout en créant d’énormes besoins d’assistance (voir ci-dessous le cas de DHL aux USA). Ce sont encore les vieilles recettes qui prévalent… En Grande-Bretagne, c’est le pays tout entier qui est touché avec une chute de la production industrielle (de 2 % en 2008) et celle du prix du pétrole et du gaz, au moment où les licenciements touchent autant l’automobile (40 000) que le secteur financier (50 000) et où l’État doit déverser des milliards pour sauver un secteur financier exorbitant. La ville de Londres, prospère grâce à ce secteur financier maintenant à la dérive, doit réduire considérablement toutes les subventions au secteur public, depuis les bibliothèques jusqu’aux transports, tout en augmentant les impôts locaux ; bien des municipalités britanniques sont dans une situation semblable, notamment celles qui ont fait affaire avec les banques islandaises totalement en déroute.
Aux États-Unis, les villes et les États réduisent leur budget, donc leurs services, par manque de recettes. Rhodes Island supprime la couverture sociale à 1 000 bénéficiaires. La Floride gèle la subvention aux crèches. Des États n’ont plus de réserve pour le paiement des indemnités du chômage, cinq États seulement pour 3 mois, huit autres pour 4 à 6 mois. En Californie ou à New York, les réductions concernent la santé, l’éducation, l’aide sociale et les salaires des employés qui doivent aussi abandonner des jours fériés payés. L’Association nationale des gouverneurs des États, dans une lettre à la représentation parlementaire, déclare : « Nous réduisons tout ce que nous pouvons et réduirons tout ce qui restera du domaine du possible, mais inévitablement le déficit est trop grand pour que nous puissions y faire face. »
8/12/2008 – Les syndicats au sauvetage des patrons. Le vice-président du syndicat de l’automobile UAW, Holiefield, représentant les 150 000 syndiqués des trois « grands » General Motors, Ford et Chrysler, a déclaré : « Nous avons fait tout ce que nous pouvions faire dans ce syndicat ; alors je me tourne maintenant vers Dieu », lors d’un service religieux dans la plus grande église de Detroit, en priant pour que le gouvernement renfloue l’automobile. Devant l’autel étaient exhibés trois modèles de voitures hybrides de chacune des firmes et, pendant le service, les fidèles patrons et travailleurs furent conviés par le prêtre à venir s’incliner devant les idoles pour recevoir son onction.
15/1/2009 – Trois ans après les ravages de l’ouragan Katrina, la moitié des 500 000 habitants de La Nouvelle-Orléans n’ont pas réintégré leur ville car ils n’ont ni argent pour un voyage de retour, ni maison, ni travail. Cette situation est programmée pour réduire la population noire de la ville. La crise économique ne fait qu’aggraver cette politique d’abandon : la ville est devenue l’une des plus meurtrières des USA et les visiteurs s’offrent le spectacle d’une cité récemment bombardée.
Chine – 8/1/2009 – L’an passé, avant la crise, le syndicat officiel ACFTU était encouragé par le gouvernement central à constituer des sections dans nombre d’entreprises et de conclure des conventions d’entreprises garantissant un minimum de droits aux exploités. Mais depuis lors, d’autres recommandations ont conseillé de mettre tout cela en sourdine, de remettre à plus tard toute concession, quand la situation économique serait meilleure pour les patrons.
Monde – Une firme LEHIDM (Low Education with High Income Don’t Mix) vient d’être créée à Monaco : 3 boulevards de rêves (sic) à Monte-Carlo est une ONG aux buts bien définis : trouver et identifier les managers financiers et autres qui, dans la débâcle, ont perdu leur yacht, leur jet, leurs maîtresses, leur villa sur la Riviera, leur chalet suisse et tout leur environnement. Des experts leur « apprennent », en trois semaines, les gestes de la vie de chacun : appeler un taxi, vivre avec peu d’argent, attendre son tour dans une queue, parler en société, faire les courses et même conduire.
17/1/2009 – Le Zimbabwe est l’image même de la dégradation et du chaos qu’entraîne le capitalisme dans une totale impuissance à y apporter des remèdes, le tout noyé dans des séquelles de la décolonisation et des conflits d’intérêts… Non seulement la misère ne fait que croître depuis des années, avec un effondrement total de l’économie dans une dictature ubuesque, mais une épidémie de choléra touche maintenant 90 % du territoire et s’étend aux pays voisins. Il est impossible d’en connaître l’étendue au-delà des chiffres « officiels » de 42 000 cas déclarés et de 2 200 morts. Chaque jour, on recenserait plus de 100 nouveaux cas.
4 – LE PROLÉTARIAT EN PREMIÈRE LIGNE
Le renforcement des contrôles sociaux Grande-Bretagne – 17/12/2008 – L’ampleur de la crise conduisant à de plus en plus de demandes aux services divers d’indemnisation du chômage entraîne ces services à tenter d’éliminer le plus possible de ces demandeurs. Un détecteur de mensonge fonctionnant par téléphone a été mis en service dans la banlieue de Londres. Il tente d’analyser le ton des réponses à des questions posées par le flic administratif. La présomption de fraude détectée par la machine déclenche un enquête sur place. Il paraît que vu les résultats, le système serait étendu à tout le pays.
États-Unis – À partir du 1/10/2008 – Le gouvernement américain rapatrie d’Irak des unités spéciales de l’armée entraînées spécialement au combat contre la guérilla urbaine, The raiders. Ce type d’opération était attribué normalement à la Garde nationale, formée de volontaires locaux appartenant à la classe moyenne. Celle-ci, touchée par la crise, apparaît moins fiable que l’armée de métier formée à la répression de troubles sociaux domestiques.
3/1/2009 – En 2008, officiellement 725 mexicains sont morts en essayant de traverser la frontière mais 700 000 auraient réussi à entrer sur le territoire américain, la grande majorité étant âgée de 14 à 35 ans.
2/11/2008 – Le gouvernement interdit toute adhésion syndicale aux fonctionnaires travaillant dans les secteurs de l’énergie, de la santé, de la justice, des transports et du Trésor parce qu’ils œuvreraient dans des secteurs « impliquant la sécurité nationale ».
France – 19/12/2008 – Les prisons sont plus que remplies, avec une surpopulation de 124 %. Sur les pensionnaires, 50 % n’ont aucun diplôme et 15 % d’entre eux sont illettrés ; 38 % se droguent et 40 % ont des troubles psychiatriques. L’internement peut signifier une condamnation à mort : les internés, souvent en préventive ou enfermés pour des peines légères, se suicident au rythme à peu près constant de 100 par année (115 en 2008).
Décembre 2008 – Sans trop savoir qui incriminer pour des sabotages sur des lignes de la Sncf, le gouvernement arrête une dizaine de membres d’un noyau politique d’avant-garde installé dans le centre de la France. Qualifiés d’ « anarcho-autonomes », les participants à cette « mouvance » sont peu à peu relâchés, le présumé « chef » étant maintenu depuis des semaines en prison sans aucune preuve. Le 24/1/2009, une première manifestation de solidarité de tous ceux qui se sentent menacés par cette répression est durement réprimée ; une seconde le 31/1/2009 réunit plusieurs milliers d’opposants à la dérive sécuritaire du pouvoir.
3/1/2009 – 35 000 flics mobilisés le 31 décembre pour limiter les incendies de voiture dans la dernière nuit de l’année. Résultat, 30 % de voitures brûlées en plus par rapport à la dernière nuit 2007, dû à de mauvais citoyens incendiant leur voiture pour toucher l’assurance.
4/1/2009 – Des entreprises prospèrent en ces temps de crise, les « sociétés de conseils en optimisation des coûts » qui proposent de rogner le plus possible sur les coûts du travail, notamment tout ce qui concerne le salaire différé. Un de leurs champs préférés est le taux des cotisations pour les maladies professionnelles et les accidents du travail qui varie selon la dangerosité pour les travailleurs. Aux USA, fin 2008, 2 000 sociétés prospèrent pour enseigner comment éviter toute syndicalisation qui signifierait obligatoirement une convention d’entreprise donnant aux travailleurs un minimum de droits. Parallèlement, dans ce pays et depuis 1977, le nombre des inspecteurs du travail a décru de 21 % alors que la force de travail s’est accrue de 61 %.
Israël – Gaza – 6/1/2009 – Toutes les guerres locales servent de champ d’expérimentation à des armes nouvelles in vivo (bombes au phosphore, bombes à particules). Des armes qui, vu leur expérimentation dans un territoire à haute densité de population, pourraient éventuellement servir dans des émeutes de grande dimension. Certaines de ces nouvelles armes n’ont été identifiées que par leurs effets dévastateurs : « De petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, de cobalt, ne tuent pas mais causent des lésions inconnues. Elles ne laissent aucune trace de métal dans le corps mais entraînent d’étranges hémorragies internes. Une matière inconnue brûle les vaisseaux et provoque la mort. Nous ne pouvons rien faire » ajoute un médecin. Brésil – 23/1/2009 – Un mur d’un mètre de haut surmonté d’une clôture grillagée d’un mètre soixante encercle sur 900 mètres la favela Dona Marta , un des bidonvilles de Rio de Janeiro, pour l’isoler des quartiers huppés proches et empêcher son extension. Raisons invoquées : la sécurité et l’écologie. Les 218 favelas qui ont surgi et qui prospèrent depuis des années autour de Rio sont menacées de tels encerclements qui seraient conçus aussi comme un moyen de lutte contre les gangs de la drogue. Le durcissement des conditions d’exploitation
Chine– Dans le Guangdong, les firmes Tiny Toys et Youngleda Toys fabriquent tous les personnages et produits dérivés de Disney Production. Journée de travail de 12 à 15 heures dans des ateliers surchauffés sans ventilation pour évacuer des solvants nocifs, pas de repos hebdomadaire… La finition d’une peluche est payée 1 centime d’euro pièce pour un salaire compris entre 48 et 50 euros mensuels sur lesquels sont prélevés 12,6 euros pour un logement minable en dortoirs de 8 à 16 lits, infestés de cafards et de rats, et pour de la nourriture infecte. Disney se targue pourtant de commerce équitable.
Turquie – 28/2/2009 – Prada est l’une des marques de luxe mondiales de l’habillement et l’héritière à la tête de la firme est, d’après le Wall Street Journal, l’une des femmes les plus riches et les plus puissantes du monde. Toute une partie de la production est assurée en Turquie par l’entreprise Desa où les journées de travail peuvent atteindre 40 heures d’affilée. Pas de paiement d’heures supplémentaires, des salaires qui ne permettent de couvrir que la moitié des besoins de base, pas de sécurité, notamment dans la manipulation de produits toxiques. Prada, soucieuse de son image, prétend avoir enquêté sur ces conditions mais les travailleurs turcs n’en ont jamais entendu parler. En avril 2008, plusieurs centaines d’ouvriers de Desa ont tenté de former un syndicat. Quelques jours plus tard, 5 « meneurs » ont été contraints à la démission. Une contre-offensive patronale a entraîné 44 licenciements et a contraint 55 ouvriers à quitter le syndicat.
France – 3/12/2008 – Une agence de voyage Safar à Tours (Indre-et-Loire) licencie à 17 heures par un fax sur leur lieu de travail ses 29 travailleurs, sans aucune indemnité et alors qu’une moitié de leur salaire mensuel reste due.
9/1/2009 – Une enquête publiée dans la revue Science et Travail a révélé – ce dont on se doutait – l’importance des « symptômes dépressifs et anxieux », la souffrance mentale dans le travail, dans les secteurs les plus divers, touchant davantage les femmes que les hommes. Ce ne sont pas les secteurs auxquels on pense habituellement quant à l’intensification du travail (restauration, BTP ou industries manufacturières) qui sont les plus touchés. Le stress n’est pas lié à la dureté physique des conditions d’exploitation mais à l’organisation du travail et au mode de management.
Allemagne – 170 000 travailleurs de l’automobile voient leurs salaires de plus en plus réduits avec les mesures de chômage technique ; certains depuis dix-huit mois n’ont perçu que 60 à 70 % de leur salaire. Les travailleurs des sous-traitants sont encore plus maltraités. L’ensemble de ces mesures est mis en œuvre dans une collaboration étroite entre les employeurs, le syndicat IG Metall et les conseils d’entreprise.
États-Unis – 8/1/2009 – Le syndicat UAW cède aux ultimatums politiques pour le soutien financier du gouvernement à deux des trois grands de l’automobile. Suppression de 31 500 emplois, fermeture de 9 usines, salaires horaires diminués de moitié, élimination de la job bank, indemnisation du chômage technique.
L’exclusion des plus faibles et les conséquences et réactions individuelles : la misère sociale, les femmes et les enfants en première ligne États-Unis – Multiplication des accidents causés par l’utilisation de substituts bon marché, due à l’impossibilité de subvenir aux dépenses courantes (beaucoup de familles se voient couper le gaz et l’électricité dont les factures ne peuvent être payées). Cela concerne notamment le chauffage, les chauffages d’appoint non contrôlés entraînant des désastres. Quelques exemples : 26/12/2008, 7 morts dans un incendie et de nouveau 6 dans un autre sinistre causé par des chauffages au fuel, à Washington DC. 30/12/2008 – L’accroissement des violences domestiques et notamment des abus sur les enfants (due au stress causé par la chute dans la précarité) entraîne un embouteillage monstre des hot lines – lignes téléphoniques d’appels au secours – des centres de soins, de tous les services sociaux et des abris (rien que pour le Texas, leur fréquentation en 2008 a grimpé de 240 %). Les actes de désespoir se multiplient : un dirigeant licencié tue toute sa famille et se suicide ; dans l’Ohio, une femme de 90 ans se tue alors qu’on vient de l’expulser de la modeste maison qu’elle occupait depuis trente-huit ans ; dans l’Ohio encore, une femme de 36 ans enflamme un matelas dans le garage de sa maison « repossédée » qu’elle avait acquise en 2006, s’assied en face dans la rue et la regarde brûler ; dans le Massachusetts, une femme menacée d’expulsion se suicide ; dans le même État, une femme de 52 ans tue ses trois chats avant de se suicider avec le fusil de son mari, laissant une note pour son enterrement et les papiers de son assurance ; à Los Angeles, un dirigeant licencié tue sa femme, ses trois fils et sa belle-mère, et se suicide en laissant un écrit soulignant que c’était plus honorable de finir comme cela ; en Floride, un expulsé tue sa femme, son chien, met le feu à sa maison et aux maisons voisines « repossédées » et se suicide. Ce ne sont pas des cas isolés. Rien qu’en Californie, on dénombrerait 2 000 cas suspects d’incendie de maisons récupérées par les banques créancières. Depuis 1982, le coût des études supérieures a grimpé de 439 %, celui de la santé de 251 % alors que le revenu moyen des familles n’a augmenté que de 147 % pour une inflation de 106 %. Une étude constate que les USA sont « un des rares pays du monde où la population âgée est plus instruite que la population jeune ».
Dans le monde – 20/1/2009 – Plus d’un million de femmes meurent chaque année de complications suite à un accouchement (10 millions depuis 1990). 80 % de ces décès auraient pu être évités par des soins très élémentaires. Pour des raisons similaires, depuis 1990, 4 millions de bébés sont morts dans les 20 premiers jours, 14 fois plus que la moyenne des pays industrialisés.
Les immigrés
Dubai – Autour de la ville de Dubai, des « camps de travail » regroupent plus de 100 000 migrants qui, dans les récents mois, ont manifesté contre leurs conditions de travail et en vue obtenir le paiement des salaires. Ils sont maintenant menacés par la crise économique mondiale. Les projets mégalomanes poussés avec l’envol du prix du pétrole et basés en partie sur le crédit ont été annulés ou reportés avec le chute du prix du brut et les restrictions des crédits bancaires. Par crainte d’émeutes, de plus en plus de ces migrants sont renvoyés dans leur pays avec des incitations sous la forme d’une surexploitation, comme par exemple une réduction de 40 % des salaires. Trois millions d’entre eux (Indiens, Bangladais, Pakistanais) ont ainsi quitté les Émirats arabes. Un certain nombre d’entre eux ne peuvent même pas se payer le voyage de retour et sont laissés à l’abandon sans aucune ressource. Koweït City – Une société de services exploite pour l’entretien des immeubles 5 000 immigrés attirés par des promesses de salaires de 50 dinars, mais seulement payés 18 dinars pour un travail de 16 heures par jour, sans jour de repos. Lors d’une grève illimitée, le 21/7/2008, plus de 500 manifestent et sont attaqués par la police : 15 blessés et 60 arrestations. Le travail reprend sur des promesses d’amélioration. Mais plus de 1 000 sont arrêtés ultérieurement pour être déportés ; 100 d’entre eux ont été ainsi renvoyés dans leurs foyers.
Irak – 12/5/2008 – Venant du Bangladesh, du Sri Lanka, d’Ouganda, d’Inde et du Népal, plus de 600 travailleurs sont parqués dans un entrepôt en ruines à l’aéroport de Bagdad depuis des mois. Ils ont été recrutés pour un sous-traitant de l’armée américaine, KBR, par l’intermédiaire d’une firme de services koweïtienne. Ils ont dû payer entre 3 et 5 000 dollars, souvent en liquidant tous leurs biens. Ceux qui les ont conduits là ont disparu avec l’argent, les passeports et autres documents. Harassés par les polices, sans argent, sans travail, ils ne survivent que par la solidarité des travailleurs irakiens. États-Unis – La vente des billets pour le voyage annuel des immigrants au pays natal a chuté de 40 % en 2008 et une bonne partie des billets vendus ne sont que des allers sans retours. D’autre part, aux USA comme dans nombre de pays connaissant des migrations intérieures ou extérieures, une partie des migrants n’ont même pas suffisamment pour payer ce voyage sans retour.
Afrique du Sud – L’effondrement du marché automobile a réduit l’utilisation du platine industriel. Une seule firme, Lomain, licencie 5 500 travailleurs dans 32 de ses mines. Misère en cascade car immigrés ou pas, on calcule que pour 30 % d’entre eux, un seul travailleur fait vivre 8 personnes. L’industrie textile connaît les mêmes problèmes qu’en Chine avec le refoulement des migrants intérieurs et immigrants des pays voisins. Russie – 26/12/2008 – Des milliers de migrants tadjiks, ouzbeks ou kirghizs licenciés à cause de la crise, souvent avec des salaires impayés, sont contraints d’errer dans la région de Moscou. Les précaires (CDD, intérimaires, intermittents)
Chine – 22/12/2008 – Sur les 10 millions de migrants qui ont été jetés à la rue, la moitié ont regagné leurs campagnes. Au cours du mois écoulé, les émeutes, surtout pour le paiement des salaires, sont monnaie courante. Le pouvoir central a demandé aux gouvernements locaux de créer des emplois pour les migrants de retour. Un officiel a déclaré qu’en 2008, un million et demi d’étudiants n’a pas trouvé d’emploi alors qu’en 2009, six millions et demi d’autres étudiants seront déversés sur le marché.
5 – LES DIVERSES FORMES DE RÉSISTANCE
Actions collectives contre le pouvoir central
Manifestations et émeutes (souvent ne dépassant pas le caractère politique d’une revendication d’un changement de gouvernement et l’annulation de mesures politiques).
Grèce – Décembre 2008 – Se greffant sur des mouvements de tout le milieu universitaire contre des projets de réforme du système éducatif et sur un mécontentement général consécutif aux restrictions imposées par la crise économique, le meurtre d’un jeune par un policier déclenche une vague de manifestations et d’émeutes de la part de toute une marginalité étudiante et politique. La violence des affrontements avec la police, la récupération des marchandises dans le pillage de magasins, l’occupation de bâtiments universitaires, de municipalités et du siège du principal syndicat ouvrier ne réussissent pourtant pas à entraîner un mouvement plus vaste impliquant l’ensemble des travailleurs. Le mouvement s’éteint de lui-même à la fin de l’année. Fin janvier 2009, un autre mouvement conduit des milliers de paysans à bloquer avec leurs tracteurs les principales voies de communication du pays et les postes frontières avec les pays voisins. Cette protestation plus spécifique vise les conséquences de l’intégration européenne qui a entraîné une chute des prix agricoles, notamment des jeunes agriculteurs aux prises avec des difficultés financières. Un ultimatum du gouvernement met fin au blocage.
Lettonie – 13/1/2009 – 10 000 manifestants devant le Parlement à Riga contre un plan d’austérité imposé par la FMI (réduction de 15 % des salaires de tout le secteur public pourtant parmi les plus bas d’Europe, gel des retraites, augmentation de la TVA). Les manifestants attaquent les bâtiments officiels avec des cocktails Molotov. Durement réprimés : 28 blessés, 126 arrestations.
Lituanie – 5/1/2009 – Vilnius : 20 000 manifestants contre des mesures d’austérité attaquent le Parlement.
Bulgarie – 21/1/2009 – Dans la capitale Sofia, une manifestation de plusieurs milliers de personnes contre la politique du gouvernement tourne à l’émeute. Une trentaine de blessés.
Islande – 22/1/2009 – Suite à l’effondrement financier et à la crise économique, des rassemblements spontanés de milliers d’Islandais s’attaquent au Parlement et au siège du Premier ministre. Ce dernier, agressé dans la rue, doit être dégagé par les flics.
Nigeria – 3/1/2008 – Des centaines de morts dans des affrontements causés par la situation économique mais prenant la forme de conflits ethniques et religieux entre catholiques et musulmans autour d’élections locales. Algérie – 4/12/2008 – Depuis plus d’un an, chaque jour connaît trois émeutes ou autres formes de protestations (par exemple, blocages routiers). Certaines de ces émeutes durent plusieurs jours : Timimoun en février, Ghardaïa en mars, Gdyel (Oran) et Tiaret en avril, Ksar el Boukhari, Berriane et Oran en mai, Berriane en juillet, Annabaet M’silam en août, Tizi Ouzou et Tissemlit en septembre, Annaba en octobre, Meftahen en novembre. Le moindre fait local est l’étincelle qui provoque une explosion qui reste localisée : attaque des sièges sociaux d’entreprises, des bâtiments publics, avec parfois pillages de magasins et blocages routiers. La police débordée ne peut « rétablir l’ordre » qu’avec des renforts de l’armée. Les arrestations se comptent par centaines. Un seul exemple : à Chlef (180 000 habitants à 200 kilomètres à l’ouest d’Alger), un différend autour de la reconstruction des dégâts causés par le tremblement de terre de 1980 dégénère en deux jours d’affrontements avec attaques de bâtiments publics, de banques, pillages et incendies de voitures. L’armée doit intervenir. 87 arrestations.
France – Décembre 2008 – Une agitation croissante dans les lycées contre une réforme des programmes et des suppressions de postes avec occupations, manifestations et affrontements avec la police, entraîne une reculade du gouvernement qui suspend pour un an l’ensemble des mesures envisagées. Le mouvement ne reprend pas après les vacances de fin d’année.
29/1/2009 – Une seule journée de grèves et de manifestations organisée par l’ensemble des syndicats contre la politique du gouvernement avec un saupoudrage de revendications regroupe entre 1 et 2 millions de participants dans toute la France ; une sorte de contre-feu dans une unanimité syndicale de façade. Des affrontements avec la police, des blessés et des arrestations. À Saint-Nazaire (Loire-Atlantique, ville industrielle, site notamment de chantiers navals), cette journée voit s’affronter durement les ouvriers et la police dans une sorte de guérilla urbaine impliquant plus de 1 000 participants, suite à une manifestation ayant regroupé 25 000 travailleurs.
Actions collectives syndicales des travailleurs d’une entreprise
Roumanie – 26/1/2009 – L’usine Renault-Dacia, qui a connu quatre grèves en novembre 2008, est fermée de mi-décembre au 12 janvier. Une menace de 3 à 4 000 licenciements entraîne actions et manifestations. Le chômage toucherait plus amplement les sous-traitants. Parallèlement, des blocages routiers contre la hausse du prix des carburants.
Grande-Bretagne – Novembre et décembre 2008 – Toute une série de grèves témoignant d’un mécontentement général qui n’arrive pourtant pas à se concrétiser dans un mouvement global :
– contre le transfert de services postaux au privé : trois jours de grève de centaines de postiers après deux journées antérieures comptant plus de 100 employés dans les piquets de grève ;
– contre les restrictions de crédit imposées aux municipalités et toutes collectivités qui entraînent des réductions d’effectifs, des blocages de salaires, ce qui déclenche de multiples conflits locaux.
Une journée de grève des 700 chauffeurs de la société Stagecoach Bluebird à Aberdeen (Ecosse), pour les salaires.
Une journée de grève de 3 500 travailleurs de la société des eaux en Ecosse.
Usine Ford de Southampton : débrayages et manifestations contre les licenciements.
5/1/2009 – Série de grèves des conducteurs de bus londoniens pour les salaires.
17/1/2009 – Wembley, banlieue nord-ouest de Londres, 120 travailleurs, la plupart des femmes asiatiques d’une firme de conditionnement de produits pharmaceutiques, Chimelines, sont engagés dans une série de grèves pour les salaires et pour la réembauche de 20 d’entre elles mises à pied pour une période indéfinie.
États-Unis – 27/1/2009 – 100 infirmières d’un hôpital privé de la chaîne Innova dans le New Jersey en grève contre une tentative de réduire les salaires d’un tiers et d’augmenter les prélèvements pour les garanties retraite et santé.
19/12/2008 – Les travailleurs d’une usine de conditionnement de volaille Case Farm à Winesbourg dans l’Ohio sont en grève depuis juillet 2007 pour les salaires. Le piquet de grève est attaqué par des fermiers des environs.
3/1/2009 – Vought Aircraft Industry à Nashville (Tennessee) fabrique des ailes d’avion pour Airbus, Gulfstream et des appareils militaires. 900 métallos sont en grève contre le projet de supprimer la retraite maison pour la reverser dans le régime général. L’ultimatum patronal de prendre des travailleurs de remplacement (pouvant devenir légalement des salariés à plein temps, les grévistes étant licenciés, 500 remplaçants ont déjà été embauchés) met fin à la grève, la retraite étant maintenue pour les anciens, pas pour les nouveaux ; de légères augmentations de salaire et un plan de départs volontaires indemnisé de 20 à 25 000 $ sont mis en place.
Janvier 2009 – 30 000 sur 40 000 routiers de la compagnie de transports YRC Worldwide acceptent le plan de restructuration proposé avec l’accord du syndicat des Teamsters comportant 3 750 licenciements et une réduction des salaires de 10 %. La firme est sur le point de fusionner avec Roadway and Yellow Freight ce qui, pense-t-on, entraînera le licenciement de 15 à 20 % des effectifs communs.
2/12/2008 – Chicago : une entreprise de matériaux pour le bâtiment, Republic Windows and Doors, touchée par la crise du bâtiment consécutive à la déroute des subprimes, se voit refuser par la Bank of America le crédit qui lui permettrait de payer à ses 240 travailleurs les indemnités qui leur sont dues en cas de licenciement (deux mois de salaires et les congés payés). La fermeture de l’usine, préparée à l’avance dans le secret, leur est annoncée le 2 décembre au soir : ils seront à la rue le 5 ; ce jour-là, on leur annonce aussi la vérité, ils ne toucheront rien. Ils décident sur le champ d’occuper l’usine et d’y rester jusqu’à ce qu’ils obtiennent ce qui leur est dû. Devant l’écho que rencontre cette grève, avec première occupation aux USA depuis 1937, devant la solidarité qui s’affirme immédiatement des travailleurs des usines voisines et la crainte de l’exemple que cela peut fournir pour les milliers de licenciés, toutes les autorités se mobilisent pour que ce paiement soit effectué. Grève et occupation cessent quatre jours plus tard. Mais cela reste un aperçu de ce qui peut se passer aux USA présentement et qui peut surgir à partir de ce qui, autrement, ne serait qu’un fait divers.
France – 26/1/2009 – Grève des enseignants-chercheurs contre une réforme universitaire à l’appel d’une coordination nationale de 45 universités.
22/1/2009 – Usine Renault de Sandouville (Seine-Maritime). Une grève syndicale de 2 heures contre le chômage partiel et les menaces de licenciement ne réunit que 400 travailleurs sur les 3 500 du site.
Martinique – 1/2/2009 – À l’appel d’un collectif depuis plus de deux semaines, une grève générale bloque toute l’économie de l’île contre la hausse des prix et les conditions économiques. L’obstination de l’ensemble des habitants contraint un ministre à venir tenter de répondre à un catalogue impressionnant de revendications locales.
Turquie – 7/1/2009 – Sinter Metal, 450 métallos en grève à Istanbul depuis le 22/12/2008 contre le licenciement de 37 d’entre eux. Les ouvriers se massent devant les portes fermées de l’usine alors que la direction annonce 400 licenciements. Les portes enfoncées, l’usine est occupée pendant deux jours, puis évacuée sous menace d’intervention policière mais des piquets bloquent l’entrée. La grève concerne les conditions de travail (7 jours sur 7, 10 heures par jour avec une seule pause de 15 minutes), les salaires (462 euros par mois, heures supplémentaires comprises) et le respect des règles d’hygiène (manipulation de poudres métalliques, absence de douches).
Égypte – 13/1/2009 – 950 travailleurs de l’usine textile Nile Cotton Co à Minya reprennent leur grève pour des salaires impayés, interrompue en décembre dernier avec des promesses non tenues. Ils séquestrent la direction de l’usine avant d’être contraints à l’évacuer.
15/1/2009 – 22 travailleurs de l’usine textile de Ghaz el-Mahalla (voir précédents bulletins) occupent les locaux du syndicat officiel de la ville après l’échec de négociations concernant le transfert de cinq d’entre eux, suite à une grève en octobre dernier.
20/1/2009 – Grève des transports urbains du Caire pour que soient tenues des promesses d’augmentation de salaire obtenues en novembre, la direction offrant d’en payer seulement la moitié en juillet 2009, et le reste en janvier 2010.
Inde – 4/12/2008 – Andhra Pradesh, district de Nalgonda. Des centaines d’employées des crèches manifestent pour les salaires. Elles sont attaquées par la police. 6 blessées.
6/12/2008 – 2 700 travailleurs d’Apollo Tyres à Kalamassery dans l’État de Kerala sont en grève pour les salaires et sont licenciés.
Action directe
France – Depuis plus d’un an, les habitants de deux villes du Lot, Gourdon et Souillac, bloquent chaque jour des trains, dont l’arrêt a été supprimé par la Sncf, pour pouvoir rejoindre leur travail. La récupération de la marchandise, produit de l’exploitation du travail, s’est toujours faite sous toutes ses formes, individuelles sur le lieu d’exploitation ou dans le circuit de distribution, ou collectives dans les mêmes lieux. Plus récemment, cette récupération a pris un autre nom avec une coloration idéologique qu’elle n’avait pas autrefois : l’« auto-réduction » est finalement une adaptation des pratiques ancestrales de cette récupération face à la concentration du commerce dans les supermarchés. La crise a redonné vigueur à de telles pratiques : le 20/12/2008 au rayon alimentation des Galeries Lafayette de Rennes, le 27/12/2008 au Monoprix de Grenoble, le 31/12/2008 dans un Monoprix de Paris, rue du faubourg Saint-Antoine (reprise distribuée aux squatters sans-papiers de l’annexe de la Bourse du travail). Mais après quelques succès, les dirigeants de supermarchés s’organisent. Les dernières tentatives, chez Leader Price à Rennes le 29 janvier et ailleurs, ont échoué avec enfermement des récupérateurs et intervention de la police. La Coordination des intermittents et des précaires de Paris pratique les auto-réductions pour les entrées de cinéma.
En Espagne, Yomango récupère pour les SDF.
Partout dans le monde, une autre pratique moins risquée se développe, voir le site re-code.com qui met sur le Net de faux codes-barres permettant de « faire ses prix ».
Janvier 2009 – Un mouvement de désobéissance civile se développe chez les enseignants du primaire qui refusent d’appliquer dans leur classe une réforme du contenu et des modes d’enseignement, malgré les menaces de sanctions déjà effectives dans certains cas (retenues sur salaires).
13/1/2009 – Paris, gare Saint-Lazare – La quasi-totalité des conducteurs de trains en service se mettent en grève sauvage suite à une agression contre l’un d’eux, utilisant le droit de retrait. Cette grève s’insère dans une lutte du syndicat SUD consistant en des débrayages répétés limités à 59 minutes (pour limiter les retenues sur salaires) contre une réorganisation du trafic modifiant les conditions de travail. Par crainte de révolte des voyageurs, la direction décide la fermeture totale de la gare pour une journée mais en même temps, ouvre des discussions refusées jusqu’alors.
13/1/2009 – À l’appel d’un collectif de sans-papiers, une annexe de la Bourse du travail est occupée à Paris depuis plus de six mois et est devenue une sorte de squat. Sur 700 dossiers de régularisation déposés, seuls 20 ont été satisfaits. Certaines organisations soutiennent du bout des lèvres, et les syndicats sont carrément hostiles.
Belgique – 21/1/2009 – Les transports publics de la région de Bruxelles connaissent un type de grève sauvage inédit qui échappe totalement au contrôle des syndicats, s’exprimant dans des mouvement localisés, spontanés et dispersés, pour des revendications spécifiques concernant les salaires mais plus encore les conditions de travail. La direction elle-même, sans ses interlocuteurs habituels, avoue « ne pas voir clair » et parle d’un conflit « difficile à gérer ».
Canada – 17/1/2009 – Depuis le 23/12/2008, les 140 ouvriers de la section locale 1285 du syndicat Canadian Automobile Workers bloquent dans une action sauvage le transfert des machines-outils de l’usine SKD Automotive, sous-traitante de l’automobile. De même, 2 000 ouvriers, principalement des travailleurs immigrés, bloquent à Toronto l’usine Progressiv Moulded Products, déclarée en faillite, pour empêcher le transfert de matériel. Ils résistent à une ordonnance du tribunal, refusant de lever l’occupation de l’usine dont ils sont finalement évacués par la police.
Chine – Tout mouvement de lutte est inévitablement une action directe (grève sauvage ou autre) car toute grève ou manifestation est illégale. Ces actions prennent forcément un caractère politique, tout étant dicté par les gouvernements locaux exécutant les ordres des autorités centrales, le Parti communiste chinois. Alors que les mouvements concernent le plus souvent les travailleurs surexploités des industries de main-d’œuvre, principalement les migrants, la crise atteint ceux qualifiés de « classes moyennes », qui avaient une position moins précaire.
1/11/2008 – Le patron taïwanais de l’usine de chaussures de Chang’an fait le mur et s’enfuit de Chine laissant les 2 000 ouvriers sur le sable, salaires impayés. Devant les manifestations, le gouvernement local distribue l’équivalent de 1 million de dollars.
7/11/2008 – Shenzhen : des milliers de manifestants se heurtent à la police suite à la mort d’un motocycliste tué alors qu’il cherchait à échapper à un contrôle.
10/11/2008 – 160 chauffeurs de taxi en grève dans le Gansu à Yongdeng.
21/11/2008 –Dans le Gansu à Longuan, 10 000 paysans tentent de s’opposer à l’expropriation de terrains en vue de la construction d’un centre administratif. Les affrontements durent plusieurs jours. 74 flics sont blessés. Plus de 100 arrestations.
26/11/2008 – Shenzhen – Une fabrique de jouets exploitant 6 500 travailleurs pour une firme américaine en licencie 216. 80 d’entre eux revendiquent une prime de départ ; ils sont rejoints par 500 travailleurs qui se battent avec la sécurité de l’usine et les flics. Ils finissent par rentrer dans l’usine qu’ils saccagent.
2/12/2008 – Dans le Hunan, 100 auxiliaires de police occupent le siège local du Parti à Layang pendant trois heures, pour le paiement d’une prime.
2/12/2008 – Toujours dans le Hunan, à Longhui, 1 000 enseignants sont en grève pour le paiement d’allocations supprimées par le gouvernement local. Au même moment, dans le Shaanxi, à Liaoning, des enseignants sont en grève pour obtenir le même salaire que les employés du gouvernement local.
17/12/2008 – Chongqing : 9 000 chauffeurs de taxi, après une grève de deux jours, entament des discussions difficiles avec la compagnie qui les emploie sur les questions de prix des carburants, des salaires, de la retraite et de la couverture santé. La grève semble avoir été organisée avec des piquets de grève, des attaques sur les jaunes. Mais tout est clandestin et personne ne s’étant présenté pour discuter avec la firme, celle-ci a désigné ceux censés parler pour les chauffeurs. Des tracts et des affiches distribués dans la ville proclament : « Debout. Unissons-nous et faisons grève ensemble. »
19/12/2008 – Dongguan – Jianrong Suitcase Factory – Après trois jours de protestations dans les artères proches de l’usine, les 300 travailleurs en grève sont enfermés dans l’entreprise par la police. Proposition du gouvernement local : payer 60 % des salaires dus suite à la faillite de la firme. Refus des travailleurs qui continuent leur grève.
20/12/2008 – Foxcom (composants électroniques) exploite 450 000 travailleurs chinois. 400 travailleurs du bâtiment œuvrant à la construction d’une nouvelle usine à Langfang parcourent 50 kilomètres pour manifester devant le siège de Foxcom à Pékin en vue de se faire payer leurs arriérés de salaires. Ils sont dispersés par la police.
27/12/2008 – HongKong : contre la suppression d’une prime, le personnel au sol (1000 travailleurs) se met en grève trois heures.
Ce sont pourtant les migrants des zones industrielles (estimés officiellement à 130 millions) qui sont les plus touchés et dont les actions diverses sont davantage la préoccupation des autorités. Alors que l’économie n’était pas touchée par le crise en 2005, les autorités avouaient avoir recensé 87 000 cas de « troubles sociaux ».
3/11/2008 – Dongguan – Licenciés sans paiement des salaires, 10 000 travailleurs manifestent et sont attaqués par la police.
10/12/2008 – Plusieurs centaines de travailleurs occupent une usine d’électronique à Shanghai pour le paiement des salaires et des heures supplémentaires.
14/11/2008 – C’est une action directe individuelle mais qui, dans la situation présente de la Chine, a pris une dimension collective illustrant la tension sociale latente. Un couteau à la main, un masque sur le visage, une bombe lacrymogène dans la poche, un marteau et des canettes de bière remplies d’essence, un jeune de 28 ans, employé de supermarché, s’introduit dans le commissariat central de Zhabei près de Shanghai par l’entrée de service et, avant d’être maîtrisé, dessoude 4 flics au premier étage, un à chaque étage de 4 à 11 avant d’être maîtrisé au 21e étage. Banal peut-être. La suite l’est moins. Lors de son interrogatoire par un tribunal populaire, des centaines de manifestants se rassemblent devant le siège du tribunal avec les slogans « Vive le tueur », « À bas les fascistes », « À bas le Parti communiste ». Une pétition lancée sur Internet demandant la clémence recueille 400 signatures avant d’être éliminée par la censure. Le jeune « héros populaire » avait subi, dans les mois précédents, sous des prétextes fallacieux, les exactions de la police et n’avait pu faire reconnaître ni son innocence, ni les mauvais traitements. Son histoire est celle de nombreux prolos chinois et il a fait ce que beaucoup rêvent de faire, d’où l’écho que peut rencontrer un tel acte individuel.
Argentine – 13/1/2009 – 400 habitants de La Quinca (province de Jujuy) en grève de la faim contre la pauvreté de la région.
Égypte – 2/1/2009 – Al Awatka : 150 fermiers entament une occupation de 500 acres de terre (200 hectares environ) confisqués par l’État et qui font vivre près de 100 familles. Ils en sont chassés par la police, 3 arrestations. Vietnam – Là où la grève est interdite, avec un syndicat d’État, les grèves sauvages pour les salaires se sont multipliées ces derniers mois (inflation en 2008 de 23 %), impliquant plusieurs milliers de travailleurs dans les secteurs variés de la sous-traitance de firmes alimentant les multinationales. Dans les six derniers mois, 330 grèves illégales.
États-Unis – 7/12/2008 – Squat organisé. En 2008, 2,2 millions de propriétaires défaillants ont été expulsés et 10 % de ceux qui ne le sont pas encore ont des difficultés financières… La Floride est l’un des États les plus touchés par la crise immobilière et a connu, depuis septembre 2008, le taux le plus élevé d’expulsions et de « repossessions » sur des débiteurs affaiblis. Un groupe clandestin s’est constitué qui recense, d’une part, les logements vides suite à des expulsions, et d’autre part, les expulsés qui sont ainsi « relogés » avec, si nécessaire, des travaux solidaires d’amélioration de l’habitat. Jusqu’à présent, il n’y a pas de réactions officielles. Par précaution, un réseau d’avocats a été constitué pour faire face à d’éventuelles poursuites. Des organisations similaires existent dans d’autres États.
Inde – Une révolte des paysans à Singur, près de Calcutta, tout au long de l’année 2008, contraint la multinationale de l’automobile Tata à abandonner un projet d’implantation d’un complexe industriel devant fabriquer la voiture à bas prix.