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GUERRE DE CLASSE MONDIALE

mercredi 31 décembre 2008

De la grève classique à la menace, au sabotage et à la bataille rangée, la nécessité fait vaincre la peur

Texte paru dans Echanges n° 126 (automne 2008).

Les quelques exemples de luttes qui suivent montrent que, malgré les menaces qui peuvent peser sur leurs décisions d’entrer en lutte, les travailleurs, partout dans le monde, n’hésitent pas à passer à l’acte, sous des formes qui n’étaient guère courantes jusqu’à présent. C’est ce seul point que nous entendons souligner.

D’autres questions tout aussi importantes pour le capital peuvent être posées, comme celle-ci : la résistance des travailleurs superexploités dans les pays en développement, qui ont fourni jusqu’à aujourd’hui une énorme masse de plus-value, signifie-t-elle que dans la débâcle actuelle, le recours à cette voie pour une « sortie de crise » n’est plus possible ?

Les dirigeants ont tout lieu de s’inquiéter

Nous reproduisons une dépêche de l’AFP analysant une note de l’association de directeurs de ressources humaines (autrement dit de superchefs du personnel) Entreprises et personnel, selon laquelle « toutes les composantes d’une crise sociales » seront bientôt réunies. Cela se passe en France, mais pourrait bien sûr être décrit partout ailleurs.

« “Toutes les composantes d’une crise sociale risquent d’être présentes” dans les prochains mois, jugeait mardi [7 octobre] la note de conjoncture sociale de l’association Entreprises et personnel, qui réunit plus de 150 responsables de ressources humaines et experts. La note, baptisée “La déchirure”, cite notamment la “faible adhésion au pouvoir”, “l’absence d’alternative politique crédible”, la “multiplication probable des situations personnelles difficiles et des frustrations”, la “montée de la conflictualité dans nombre d’entreprises contraintes à la rigueur, voire aux réductions d’effectif” et la “contestation rampante” dans le secteur public.

Soulignant “une opinion publique inquiète et ambivalente” vis-à-vis des “réformes tous azimuts”, la note de conjoncture estime que “la crise qui ébranle l’économie et sidère l’opinion publique va dramatiser le climat social”. “La crise financière a déchiré le voile des illusions, et ce « septembre noir », s’il annonce l’entrée probable dans la récession, ouvre aussi de manière certaine une nouvelle ère de l’économie mondiale.

Le document exprime aussi sa “certitude” que “des craintes vont se manifester quant à la place du service public, de la part des fonctionnaires ou des citoyens”, et que “la conflictualité va monter d’un cran dans les entreprises du fait de la rigueur salariale et des suppressions d’emploi”. Estimant que les “scénarios économiques les plus pessimistes” ne sont “plus invraisemblables”, la note explique qu’ils auraient “rapidement des conséquences très négatives : appauvrissement de nombreux Français, montée sensible du chômage et difficulté des ménages modestes d’un côté, et impasse budgétaire privant le gouvernement des moyens financiers lui permettant d’agir de l’autre”. »

D’une grève classique, malgré l’effondrement

économique et financier...

Au moment où nous écrivons ces lignes (le 19 octobre), les 27 000 mécaniciens de Boeing sont en grève totale depuis plus d’un mois. Des premiers piquets de grève sont apparus samedi 6 septembre dans les sites de la baie de Puget Sound, près de Seattle (Etat de Washington), qui à eux seuls concentrent 25 000 mécaniciens (y figure Everett, site d’assemblage du 787 Dreamliner, le futur avion de ligne de Boeing). Outre Seattle, la grève affecte particulièrement les sites de Wichita (Kansas), Portland (Oregon) et ceux de Californie (ouest). Depuis le lundi 13 octobre, les négociations entre l’avionneur et le syndicat représentant ses mécaniciens sont interrompues.

C’est en quelque sorte une grève très classique, pour le renouvellement du contrat collectif d’entreprise touchant les seuls métallos affiliés au syndicat International Association of Machinists and Aerospace Workers, auquel ces travailleurs ont quelque peu forcé la main en rejetant à 87 % les propositions patronales et en votant la grève (que le syndicat voulait différer) à 80 %. Classiques sont les revendications qui portent sur les salaires, les garanties santé et retraite, la sécurité de l’emploi (fin de la sous-traitance) pour les travaux faits dans l’usine mère de Seattle. Au lieu de 27 dollars (environ 20 euros) de l’heure, ces travailleurs n’ont touché du fonds de grève du syndicat que 150 dollars par semaine (environ 100 euros) depuis le 22 septembre. Ils peuvent espérer faire céder Boeing, qui connaît des problèmes de livraison de ses appareils et notamment de son nouvel avion. La débâcle financière, avec ses promesses de chômage, ne les a pas découragé d’engager et de poursuivre la grève.

... aux menaces

de faire sauter l’usine...

De nouveau les méthodes Cellatex (1) : les Fonderies de l’Authion, aux Ponts-de-Cé près d’Angers (Maine-et-Loire), entreprise familiale sous-traitante de l’automobile, ont fini par tomber, de cession en cession, dans l’escarcelle d’un fonds d’investissement suisse. Lors du dernier rachat, fin décembre 2007, 40 travailleurs ont été licenciés ; début septembre 2008, la direction impose 18 nouveaux départs sur les 91 travailleurs restants.

Après dix jours de grève avec occupation, comme la direction ne veut pas rediscuter le plan social pour porter l’indemnité de départ à 15 000 euros, les travailleurs empilent dans la cour de l’usine tout le matériel déjà fabriqué (13 000 collecteurs en aluminium), du matériel inflammable (des bouteilles de butane et des jerricans d’essence) et un dispositif de mise à feu. Une menace de faire flamber le tout est lancée, puis l’ultimatum est reporté alors que des pourparlers commencent.

… et à l’action : sabotage et destruction

des lieux et instruments de l’exploitation…

Au Bangladesh, depuis plus de deux ans (2), tout simplement pour des augmentations de salaire qui ne leur permettent rien de plus que de survivre, les travailleurs des usines textiles ne se contentent pas de bloquer les rues et se se bagarrer avec la police et l’armée (malgré l’état d’urgence décrété par les militaires au pouvoir) ; ils attaquent les usines, détruisent le matériel et les matériaux, pillent et incendient les usines.

Un exemple : les 9 et 10 août, 400 ouvrières, licenciées sans avertissement et sans que leurs salaires soient payés, attaquent un camp de la police proche avec des bâtons, des pierres, des briques... La police tire dans la foule qui se retourne alors contre l’usine, qui est détruite et incendiée pendant quatre heures avant que l’armée intervienne.

Le dimanche matin, 300 ouvrières d’une autre usine trouvent la porte fermée quand elles viennent toucher leur paie. Avec des milliers de travailleurs des entreprises voisines elles attaquent plusieurs usines, les ravagent et incendient l’une d’entre elles.

… jusqu’à la bataille rangée avec les « forces de l’ordre »…

Le 4 avril 2008, aux Emirats arabes unis, plus précisément à Dubaï, district de Sharjah, ville d’Al Nahda : 800 esclaves du Sud-Est asiatique travaillant dans le bâtiment, révoltés par les conditions de vie qui leur sont imposées contrairement aux promesses faites pour les engager à émigrer, se mettent en grève, bloquent les rues adjacentes au chantier, et engagent une bataille rangée avec la police qui doit appeler des renforts d’urgence des autres émirats. Ils attaquent avec tout ce qui leur tombe sous la main, y compris le matériel des chantiers.

Le mois précédent, 1 500 ouvriers d’un autre chantier de construction avaient attaqué et incendié les bureaux de leur exploiteur, et brûlé les voitures pour protester contre le non-paiement des salaires.

…et avec le patron, tué, et tout son état-major,

envoyé à l’hôpital

A Greater Noïda, banlieue industrielle de New Delhi, chez Graziano Transmission India (du groupe suisse Oerlikon) sous-traitant de l’automobile, multinationale italienne comptant des usines en Europe, aux Etats-Unis et au Japon : un accord salarial signé en janvier pour trois ans est si insatisfaisant que depuis, les conflits à répétition éclatent pour protester contre les salaires, les conditions de travail et pour la transformation des contrats temporaires en CDI – une grève a eu lieu en mai avec des sabotages, une grève perlée en juin.

Début septembre, sous l’accusation de sabotage, 200 ouvriers sont licenciés. Le 22 septembre, les 200 envahissent l’usine après avoir enfoncé la porte avec un camion. Armés de barres de fer et de marteaux, ils cassent tout dans l’usine et pourchassent les cols blancs. Le directeur, réfugié dans son bureau, voit la porte défoncée et saute par la fenêtre . Blessé au sol dans la cour de l’usine, il est achevé par les émeutiers.

On comptera 50 blessés, y compris 5 consultants italiens. De crainte que de telles actions ne s’étendent dans toute la zone industrielle proche (y exploitent les esclaves indiens LG, Samsung, Yamata et Honda) la répression se durcit : la police a procédé ce jour-là à 136 arrestations.

NOTES

(1) Voir De Cellatex à Moulinex, une explosion de violence sociale ?, Echanges n°99 (hiver 2001-2002)

(2) Voir Une révolte ouvrière au Bangladesh, Echanges n°118 (Automne 2006), et Bangladesh : quelle suite aux émeutes généralisées de 2006 ? , Echanges n° 119 (hiver 2006-2007).

Annexe

Les Etats-Unis préparent la guerre sociale

Aux Etats-Unis, la Garde nationale, composante de l’armée, fut créée pour assurer la paix sociale dans le pays. Elle est composée de volontaires recrutés parmi les bons citoyens, le plus souvent des classes moyennes, soucieux de préserver leurs intérêts. L’armée américaine vient de rapatrier, début octobre, des unités spécialement formées pour la guerre en Irak, afin de les déployer sur son propre territoire (pour lapremière fois de son histoire), pour faire face à d’éventuels troubles sociaux. Voir : www.wsws.org/articles/2008/sep2008/...

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