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« Dissociés » italiens … et radicaux chics hexagonaux

mardi 18 novembre 2008

Certains commentateurs de la discussion que nous avons publiée à propos de « L’insurrection qui vient » et de « Les mouvements sont faits pour mourir » http://www.mondialisme.org/ecrire/?exec=articles&id_article=1226 l’amalgament à la « dissociation » et de plus assimilent cette prétendue « dissociation » à une collaboration avec la police.

Premier point : la dissociation est une pratique qui a été mise en œuvre de façon individuelle et collective en Italie. La dissociation collective la plus célèbre est celle du groupe Prima Linea dont 923 militants emprisonnés se sont dissociés de la lutte armée en 1982, et ont invoqué la nécessité de faire un bilan de leurs erreurs politiques et stratégiques. On peut approuver ou désapprouver le contenu de leurs textes de l’époque ou le principe même de cette démarche et son opportunité politique, mais il est particulièrement calomnieux de l’associer à la démarche des « repentis », individus qui donnèrent des noms et des informations à la police pour alléger considérablement leur peine ou être remis en liberté.

Rappelons par exemple que Valerio Morucci des Brigades rouges est resté en prison encore dix ans après avoir démissionné des BR et s’être « dissocié » et qu’il a fait en tout 22 ans de prison. Ou que Sergio Segio, dirigeant de Prima Lina, a passé 22 ans en taule et a été libéré 13 ans après sa dissociation. Cherchez l’erreur de nos inquisiteurs franchouillards....

Ceux qui parlent à tort et à travers de « dissociation » ne citent jamais les propos des dissociés. Prenons l’exemple des dissociés de Prima Linea. Qu’ont-ils écrit en 1981 et 1982 ?

« La possibilité de notre mémoire permet la dissolution de la culture fétichiste des armes et des organisations. Cela ne signifie pas que nous critiquions la violence de classe tout court parce que celle-ci a été un élément de la phase qui a vu la naissance des organisations communistes combattantes, phase comprise comme une forme de libération ultime de l’esclavage du travail salarié. (…) Je ne suis ni un repenti ni un délateur. Je procède simplement à l’autocritique d’un terrorisme destructeur de tout espoir et qui repose sur des reconstructions historiques fausses et déformées » (Roberto Vitelli, 1981)

« Il nous faut ouvrir une phase de profonde critique et autocritique. (…) Cela ne veut pas dire liquider dix ans de luttes, de pratique combattante, de développement de la lutte armée, avec tout ce que cela implique. Non, nous ne jetterons pas le bébé avec l’eau du bain (…). Il s’agit d’examiner la validité stratégique de la lutte armée, en tant qu’instrument adéquat au développement des contradictions sociales, sa transformation en guérilla urbaine, en guerre sociale désespérée » (Sergio Segio et Diego Forastieri Molinari, 1982).

On est très loin de propos pacifistes ou pro-policiers, comme certains « radicaux » français tentent de nous le faire croire à propos des dissociés !

Cette confusion entre « dissociés » et « repentis » a été abondamment diffusée en France par des ex-militants « irréductibles » (comme on disait en Italie) appartenant à des groupes ayant pratiqué la lutte armée et qui étaient en exil et en LIBERTE contre des dissociés qui, eux, ont passé de longues années en PRISON.

Où est l’erreur ?

La dénonciation de la « dissociation » est encore plus douteuse quand elle est le fait de perroquets gaulois qui n’ont jamais passé un seul jour dans une cellule et se font un plan « radical chic » à bon marché dans l’Hexagone.

En ce qui concerne « L’insurrection qui vient », il ne s’agit pas de se dissocier d’ « actes » (quels actes ? pour le moment il n’existe aucune preuve officielle de liens entre les inculpés de Tarnac et les sabotages d’installations ferroviaires, et s’il y en avait, qu’elles ne soient pas fabriquées par la police, et que ces actes soient revendiqués par les inculpés, on pourrait alors effectivement en discuter et prendre position à leur propos). Mais il s’agit seulement, et c’est pour nous l’essentiel, de discuter d’ « idées » qui sont répandues dans certains milieux de jeunes révoltés par l’exploitation et l’oppression capitalistes.

Si l’on suit le raisonnement de ceux qui lancent l’accusation de « dissociation » (1) à notre encontre, remettre en cause les idées de quelqu’un serait collaborer avec la police.

Inutile de préciser à quelle sinistre école de pensée ils ont été formés.

Pour notre part, nous continuerons à promouvoir la discussion politique entre militants qui souhaitent comme nous une révolution sociale. Sans tabous ni préjugés ni calomnies.

Y.C.

18/11/2008

1. Pour être précis rappelons que la loi italienne sur la dissociation (article 1 de la loi n° 34 du 18 février 1987) considère comme dissociés « ceux qui ont définitivement abandonné l’organisation ou le mouvement terroriste et subversif auxquels ils appartenaient précédemment, qui ont admis avoir accompli ces activités, dont le comportement est objectivement incompatible avec de telles associations et qui rejettent la violence comme méthode de lutte politique ». On voit donc qu’il y a une grande marge (ce qui n’est pas étonnant, du point du vue de l’Etat bourgeois italien) entre la dissociation telle que la concevaient les militants de Prima Linea et les termes de la loi de leur pays.

Et on constate aussi que les « irréductibles » en exil et en liberté qui calomnient les « dissociés » retournent les termes de la loi bourgeoise italienne contre des militants qui ont été emprisonnés pendant des années. Ils sont d’ailleurs rejoints dans cette confusion par une partie de la presse et de la magistrature italiennes qui assimilent délation et dissociation pour mieux embellir la première.

Ou alors, comme Moretti, des BR, ce sont des militants qui portent un jugement « beaucoup plus sévère » contre les dissociés que contre les repentis qui « trahissent et passent de l’autre côté ». Curieuse logique…

Pour notre part, nous ne voyons aucune raison de prendre parti dans ces règlements de comptes, et de calomnier des camarades qui ont payé très cher leurs écrits et leurs actions, mais aussi le droit de réfléchir politiquement.

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