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Goldsmith soutient la gauche et l’extrême droite

vendredi 25 avril 2008

Dans toute l’Europe, les idéologues de la Nouvelle Droite cherchent à prendre contact avec des militants de gauche pour reconstruire un mouvement contre, par exemple, la destruction de la nature ou contre la « mondialisation »(1). L’extrême droite espère ainsi être de nouveau acceptée. L’écologiste britannique Edward Goldsmith les soutient dans leurs efforts. Il finance des dizaines d’organisations progressistes et travaille avec elles. Il est l’une des forces motrices derrière les réseaux internationaux qui mènent des campagnes contre le « libre-échange ». En même temps, il est en train de devenir un « penseur » important au sein de l’extrême droite.

Faire en sorte que leur nom soit mentionné aux côtés de ceux d’intellectuels et de militants de gauche voire d’extrême gauche, telle est la première étape de la stratégie de la Nouvelle Droite. Ce printemps, l’extrême droite s’est réjoui de la présence de nombreuses signatures de gauche au bas de sa pétition contre la guerre du Kosovo(2). Vers la même époque, Goldsmith a contacté la gauche et l’extrême droite pour qu’elles signent sa « Déclaration de L’Ecologiste sur le changement climatique »(3). Aux Pays-Bas, cette pétition a été signée par des organisations comme A SEED, Aktie Strohalm, Corporate Europe Observatory et Stichting Aarde.

Leurs noms se sont retrouvés aux côtés de ceux de Philippe de Villiers, dirigeant du Mouvement Pour la France (MPF), parti d’extrême droite. Cet aristo catholique et rigide appartient à la Nouvelle Droite française. Il soutient la réintroduction et la fermeture des frontières, l’interdiction de l’avortement et la réintroduction de la peine de mort. Le MPF a été fondé en 1994 grâce à une donation de 3,5 millions de dollars de James Goldsmith, le frère extrêmement riche d’Edward Goldsmith(4). De Villiers a réussi à rendre l’extrême droite séduisante pour les riches qui considèrent encore peu convenable de voter pour le Front national de Jean-Marie Le Pen. Aux élections européennes de 1994 et de 1998, De Villiers a obtenu près de 13% des voix. Aujourd’hui, De Villiers partage la direction du MPF avec l’ex-ministre Pasqua, célèbre pour sa politique inhumaine en matière d’immigration(5).Goldsmith introduit régulièrement des militants d’extrême droite dans toutes sortes d’initiatives, comme si leurs théories faisaient partie des idéologies acceptables. Il brise activement le cordon sanitaire antifasciste qui a été installé dans beaucoup de pays autour de l’extrême droite.

Deux exemples récents.

Goldsmith est le propriétaire et le rédacteur en chef du magazine The Ecologist, qui a organisé un congrès le 26 mai 1999 avec l’ISEC (International Society for Ecology and Culture). Goldsmith a permis à Roger Scruton, le dirigeant britannique de la Nouvelle Droite, de joindre le comité organisateur de ce congrès. Scruton est le directeur de publication de la Salisbury Review, une revue de la Nouvelle Droite, qui, ce printemps, a publié un article d’Alexandra Colen(6), dirigeante du parti d’extrême droite Vlaams Blok.

The Ecologist passe chaque mois une publicité pour le magazine australien Nexus, publication antisémite et partisane des théories du complot. On y trouve même une « offre spéciale » pour les lecteurs de The Ecologist qui souscriront à Nexus(7). Ce printemps, Nexus a publié un très long article sur le « capital juif » et la position puissante que ce dernier est censée occuper dans l’histoire de l’Europe(8).

Chouchou de la Nouvelle Droite

Edward Goldsmith ne fait pas seulement la promotion de la Nouvelle Droite, il aime aussi la fréquenter assidûment. Il est désormais régulièrement invité aux réunions de la Nouvelle Droite en Belgique et en France. Le 27 novembre 1994, il a donné sa première conférence à un colloque organisé par le GRECE, club de réflexion lié au Front national(9). Ce 28e colloque du GRECE coïncidait en fait avec le 25e anniversaire de ce groupe et Goldsmith en était l’invité d’honneur. Alain de Benoist, le directeur du GRECE, et Goldsmith, se sont bien entendus et, depuis, le millionnaire britannique assiste régulièrement aux conférences d’Alain de Benoist(10). « C’est un brave homme, ce Benoist, il n’y a rien de suspect chez lui », a déclaré Goldsmith(11). Il trouve les articles et les livres de Benoist « très intéressants » et pense que les idées du GRECE « ont beaucoup changé au cours des dix dernières années »(12). En émettant ce type de commentaires, Goldsmith soutient activement les aspirations de l’extrême droite à devenir respectable.

Le 11 novembre 1997, Goldsmith a été le principal invité du troisième colloque de TeKoS à Anvers en Belgique. TeKoS est l’organisation sœur du GRECE, et étroitement liée au Vlaams Blok. « Comment survivrons-nous à la décadence ? », tel était le thème de cette réunion durant laquelle sont intervenus Luc Pauwels, rédacteur en chef de TeKos, et De Benoist. Pauwels est l’un des fondateurs du Vlaams Blok.

La conférence de Goldsmith a été traduite pour le magazine TeKoS par Guy de Martelaere, probablement le plus grand fan de Goldsmith en Belgique. Il avait déjà traduit beaucoup d’articles de ce dernier publiés dans The Ecologist et même le principal livre de Goldsmith The Way. Dans son propre magazine (Gwenved) De Martelaere publie souvent des articles sur Goldsmith(13). Au printemps 1998, le millionnaire britannique a donné une interview au magazine nationaliste-flamand et écologiste Vrijbuiter(14).

Un « Recours » qui cache une forêt réactionnaire

Le 11 janvier 1998, Goldsmith a donné une conférence à Paris sur « L’écologie contre le progrès » lors du premier colloque organisé par Le Recours aux forêts, organisation écologiste liée à la Nouvelle Droite. Parmi les conférenciers, il y avait Alain de Benoist et des membres du MPF de Philippe de Villiers(15). Beaucoup d’idéologues d’extrême droite croient que les « Indo-Germains » (en clair, les Aryens) sont « par nature des habitants des forêts » alors que « les Sémites sont des peuples du désert ». Le Recours aux forêts a été fondé par le GRECE. Ce club de réflexion veut utiliser les mouvements écologistes et néo-païens pour populariser à nouveau l’idéologie du Blut und Boden (le Sang et le Sol).

Le Recours aux Forêts est dirigé par Laurent Ozon qui se trouve aussi à la tête de la section écologie du GRECE : La Nouvelle Ecologie(16). Comme le dirigeant du Front national Bruno Mégret, Ozon est un produit de l’éducation dispensée par La Nouvelle Ecole d’Alain de Benoist. Il écrit régulièrement dans les publications d’Alain de Benoist Krisis et Eléments(10). Ozon est devenu un partisan fidèle de Goldsmith et le cite régulièrement dans ses propres écrits(17). Il a également interviewé Goldsmith et publié de nombreux articles du millionnaire dans le magazine Le Recours aux forêts. Chaque numéro contient aussi des articles d’Alain de Benoist et de membres du Front national(18).

Laurent Ozon et Goldsmith sont devenus bons amis. Ensemble, ils assistent régulièrement aux réunions organisées par Alain de Benoist(10). Ozon a demandé à Goldsmith de participer aux élections européennes de juin 1999 à travers le Mouvement Ecologiste indépendant, parti écologiste de droite d’environ 1 000 membres(9). Goldsmith a fait d’Ozon son porte-parole et lui a laissé gérer les négociations avec le MEI en son nom. Goldsmith n’a posé qu’une seule condition : que son vieil ami Antoine Waechter soit tête de liste du MEI.

Goldsmith et Waechter se connaissent depuis 1973, date à laquelle Waechter lança les Verts, le parti écologiste français(19). Il a quitté ce parti en 1994 parce qu’il le trouvait trop à gauche. Il s’est mis à fréquenter le GRECE, à écrire des articles dans Le Recours aux forêts(15) et il a participé au second colloque organisé par Le recours aux forêts le 24 janvier 1999(9).

Le bureau directeur du MEI a rapidement accepté les plans de Goldsmith, lorsqu’il a appris que le millionnaire investirait beaucoup d’argent(10). Ce dernier a rédigé un programme électoral européen(19) mais, après qu’une polémique eut éclaté dans la presse sur les idées d’extrême droite de Waechter, Goldsmith se retira le 16 février 1999.

« Nous avons affaire à un orateur impressionnant », ont écrit les rédacteurs de la revue de la Nouvelle Droite néerlandaise Studie, Opbouw, Strijd (SOS, Etudier, organiser, lutter), après avoir assisté à une conférence d’Ozon lors de l’université d’été du GRECE en 1997. Dans le numéro suivant, ils publièrent un article d’Ozon et conseillèrent à leurs lecteurs de prendre connaissance de ses écrits, ainsi que de ceux de Waechter et Goldsmith, et des magazines Le recours aux forêts et L’Ecologiste/The Ecologist(20).

Un fan club à l’échelle de l’Europe

Pendant 30 ans, Goldsmith a promu les mêmes conceptions écologistes totalitaires(21). Au cours des dernières années, de plus en plus d’idéologues de la Nouvelle Droite épousent ses idées, y compris Robert Steuckers. Ce Belge est la force motrice et le secrétaire général du réseau européen des clubs de la Nouvelle Droite : Synergies Européennes (SE). Depuis 1981, Steuckers était l’assistant et le successeur présumé d’Alain de Benoist. En 1993, après un désaccord interne, il a quitté le GRECE avec un petit groupe de partisans pour fonder Synergies Européennes. Steuckers pense que la Nouvelle Droite ne devrait pas discuter seulement d’idéologie, mais s’impliquer dans la réalité de la politique et du pouvoir(22). Aujourd’hui, il essaie de briser le cordon sanitaire qui entoure l’extrême droite à l’échelle européenne, en encourageant des alliances entre les groupes nationalistes, les vieux partis communistes et les syndicats. Synergies Européennes a construit des sections en France, en Belgique, au Portugal, en Russie, en Autriche, en Latvie, en Lituanie, en Yougoslavie, en Italie et en Allemagne. Les projets politiques d’Alain de Benoist et de Steuckers semblent réellement se renforcer mutuellement, et leurs organisations travaillent ensemble régulièrement. Robert Cousty, par exemple, est un cofondateur du Recours aux forêts, qui est lié au GRECE(23).

Les sections internationales de Synergies Européennes partagent beaucoup des idées d’Edward Goldsmith(24). La lecture de son livre The Way est en train de devenir quasiment obligatoire dans ces milieux(25). Toutes sortes de groupes écologistes, régionalistes et spirituels fusionnent aussi dans les réseaux de Synergies Européennes(26). Dont les deux groupes écofascistes allemands l’Unabhängigen ökologen Deutschlands et l’Arbeitskreis Grüne Trommel de Hambourg qui considèrent eux aussi le travail de Goldsmith comme d’une importance fondamentale(23). Steuckers est très actif dans le mouvement païen et lui aussi attiré par les idées de Goldsmith à cause de sa propagande pour les religions païennes. « Le temps de la croix est passé. La roue du soleil reviendra. Nous serons libérés du Dieu juif, et notre peuple récupérera son honneur », affirme le sinistre Steuckers(27).

Eric Krebbers (septembre 1999)

Notes

(1) Krebbers, « Avec la Nouvelle Droite contre la mondialisation ? » p. 164-168 de ce livre.

(2) Krebbers, « Nieuw-rechts anti-oorlogscomité verleidt linkse intellectuelen », juillet 1999, De Fabel van de illegaal n° 35.

(3) The Ecologist, « Declaration on Climate Change », mars 1999.

(4) Van der Velpen, Zwarte horizonten, 1995.

(5) Bresson, Pasqua et Villiers unissent leurs maigres bataillons, Libération, 10 avril 1999.

(6) Colen, « A cry for help », Salisbury review, printemps 1999.

(7) Offre spéciale aux lecteurs de Nexus, The Ecologist n° 3, mai 1998. On trouve des publicités pour Nexus aussi dans The Ecologist n° 3 & 4, mai et juillet 1999.

(8) Carmack, « Central Banking and the private control of money », 1re partie, décembre 1998-janvier 1999, Nexus n° 1. 2e partie, février-mars 1999, Nexus n° 2.

(9) « Silence, Waechter, Goldsmith etc. », avril 1999, Silence n° 243.

(10) Chombeau, « La dérive extrémiste d’Antoine Waechter », Le Monde, 18 février 1999.

(11) Remarque de Goldsmith, lors d’une conversation téléphonique avec l’auteur.

(12) Lettre de Goldsmith à Silence, 6 juillet 1999.

(13) De Martelaere, « Nieuws en korte beschouwingen », janvier 1998, Gwenved n° 23.

(14) Van den Broele, « Edward Goldsmith : menselijk, al te menselijk », printemps 1998, Vrijbuiter n° 3.

(15) M.P., « L’autre sensibilité écologiste », janvier 1999, Silence n°240.

(16) Schmid, « Der Krieg der Petitionen », avril 1999, Jungle World n°15.

(17) Ozon, « Ecologie et libéralisme », décembre 1998, Silence n° 238.

(18) « Lipietz, Virage Nouvelle Droite », février 1999, Silence n° 241.

(19) MEI internet-site.

(20) Ozon, « De inzet van de ecologie », 1997, S.O.S. n° 12.

(21) E. Krebbers, « Goldsmith et la hiérarchie gaïenne », p. 215-220 de ce livre.

(22) Speit, « Schicksal und Tiefe », mars 1999, Jenseits des nationalismus.

(23) A.K., « Waechter le vert-brun », 17 novembre 1998, Charlie Hebdo.

(24) Cremet, « "Neue" Rechte : jetzt generationenübergreifend », juin 1997, AK n° 403.

(25) De Zutter, « Terug naar de "racistische" natuur », De Morgen, 27 mai 1999.

(26) Cremet, « Für eine Allianz der "Roten" und der "Weissen" », mars 1999, Jenseits des Nationalismus.

(27) De Zutter, « Politieke soldaten tegen de multi-raciale maatschappij », De Morgen, 26 mai 1999.

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