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Castes, minorités et religions en Inde

lundi 29 octobre 2007

Ce texte est paru dans Echanges n° 122 (automne 2007), avec Les tentatives d’insertion de l’Inde dans le capitalisme mondial.

La persistance des problèmes séculaires de castes et des affrontements religieux masque des conflits de classe, leur violence n’étant qu’un exutoire à la misère sociale. Le très complexe système des castes empoisonne la vie économique, sociale et politique. Schématiquement, il se réfère à cinq grands ensembles qui définissent l’accès à une certaine fonction sociale :

- trois castes supérieures : les brahmanes (lettrés et prêtres), les Kshatriya (guerriers et militaires), les Vaishya (marchands) ;
- les basses castes, shundra, dans lesquelles on classe une catégorie de minorités baptisées « classes arriérées » ;
- les hors-caste, les intouchables : 17 % de la population totale cantonnés dans l’agriculture, la domesticité et l’équarissage.

Jusqu’à récemment, les basses classes et les intouchables étaient exclus notamment de la fonction publique, des entreprises d’Etat et de nombreuses activités dans le secteur privé. En 1990, un système de quotas leur a ouvert, en principe, les emplois dans la fonction publique et le secteur d’Etat. Récemment ces quotas ont été portés à 27 % des postes à pourvoir. Mais même si le système bouge en raison de l’évolution économique, il fait l’objet de manipulations politiques et est parfois le théâtre d’affrontements violents, relatifs notamment à l’attribution des quotas.

Une autre source d’affrontements, d’ordre religieux, est l’opposition entre hindouistes et musulmans. Ces derniers (140 millions de personnes, soit 14 % de la population, concentrées dans certains Etats), soumis eux aussi au système des castes, sont particulièrement victimes d’une discrimination exacerbée par les affrontements avec les pays musulmans voisins, Pakistan et Bangladesh.

Comme le soulignait un commentateur, les musulmans en Inde ont toutes raisons de se considérer comme des exclus (accusés d’antipatriotisme et d’être des suppôts du Pakistan) même si certains d’entre eux appartiennent à la classe des riches. Une récente enquête officielle a établi qu’ils devaient se battre avec les stigmates de cette exclusion, qu’ils se retrouvent parqués dans des ghettos fuyant la persécution des Etats où ils sont minoritaires (le grand ghetto musulman de l’Etat de Gujarrat compte 400 000 habitants et s’agrandit chaque jour au rythme des émeutes dans l’Etat). De plus, marquant leur identité par des signes extérieurs, ils sont victimes de persécutions au faciès. La discrimination touche l’emploi, le logement et l’école ; les taux d’alphabétisation, de durée d’études,de pauvreté sont sensiblement plus élevés que pour la moyenne nationale. Ils sont relégués dans des métiers traditionnels de l’artisanat, du tissage, de la viande, métiers menacés par l’industrialisation.

Le dernier cycle de violence dont ils sont victimes et acteurs a débuté en 2005. Mais auparavant, entre 1950 et 1995, les affrontements religieux avaient fait 40 000 morts et blessés dans les quelque 700 000 villes et villages de l’Inde, essentiellement des musulmans. En juillet 2005, les émeutes de Bombay ont fait 200 morts et 700 blessés. En 2007, le 22 juillet, un train de pèlerins hindouistes a été attaqué, semble-t-il par des extrémistes musulmans : 58 voyageurs ont été brûlés vifs. En réplique, dans l’Etat de Gujarat, on a assisté à un véritable pogrom où 2 500 musulmans de toutes classes ont été massacrés.

Cette situation explosive ne favorise en aucune manière le développement économique.

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