Cette chronique des événements survenus entre 1853 (première arrivée du commodore Perry dans la baie d’Uraga) et l’entrée du Japon dans la première guerre mondiale résume d’un point de vue purement chronologique les analyses parues dans les nos 107 à 110 d’Echanges :
I. Introduction. La bureaucratie. Les employeurs. Les travailleurs
n° 107, hiver 2003-2004, p. 37.
II. La guerre sino-japonaise (1894-1895). L’entre-deux guerres (1896-1904). La guerre russo-japonaise (1904-1905). Lutte de clans au sein du gouvernement
n° 108, printemps 2004, p. 35.
III. Avant 1914 : La composition de la classe ouvrière. La discipline du travail et l’enseignement. Industrialisation et classe ouvrière . Les luttes ouvrières. Les syndicats
n° 109, été 2004, p. 25.
IV. Les origines du socialisme japonais : Le socialisme sans prolétariat.
Ses origines intellectuelles japonaises, le bushidó. Ses origines intellectuelles étrangères. Marxisme contre anarchisme
n° 110, automne 2004, p. 25.
Bien que l’on puisse trouver dans plusieurs ouvrages écrits par des spécialistes un découpage traditionnel de l’histoire du Japon selon les dates des règnes impériaux, j’ai préféré utiliser ici le système de division du temps propre à l’ère chrétienne, plus familier au lecteur européen.
J.-P. V.
1853
Juillet : arrivée du commodore Matthew Galbraith Perry (1794-1858) à la tête d’une petite flotille dans la baie d’Uraga, près de Tôkyô. Il exige l’ouverture du Japon au nom du président des Etats-Unis Millard Fillmore (1800-1874).
1854
Février : Perry, de retour au Japon, obtient du shôgun Tokugawa Iesada (1824-1858) l’ouverture des ports de Shimoda et Hakodate au commerce américain par le traité provisoire de Kanagawa.
31 mars : le gouvernement des Tokugawa signe un traité d’amitié avec les Etats-Unis.
1858
29 juillet : le Japon signe un traité commercial avec les Etats-Unis.
1859
28 juin : les ports du Japon sont ouverts à toutes les puissances occidentales.
1867
Les clans de Satsuma, Chôshû, Tosa et Hizen se rangent ouvertement aux côtés de l’empereur Kômei (1821-1867) et entrent en guerre contre le shôgunat au nom de la lutte contre les étrangers.
1869
Mars : les clans de Satsuma, Chôshû, Tosa et Hizen adressent un mémorandum à l’empereur sur les devoirs de sa charge et le reconnaissent pour leur maître. Les principes contenus dans ce mémorandum serviront à la rédaction de la Constitution de 1889 et gouverneront le régime japonais jusqu’en 1945.
Edo devient la capitale du pouvoir impérial restauré au détriment de Kyôto, et prend le nom de Tôkyô (qui signifie : la capitale de l’Est), après qu’Ôkubo Toshimichi (1830-1878) a suggéré un changement de capitale pour marquer symboliquement la rupture avec les temps anciens.
Juillet : ouverture à Tôkyô, à Kudan, du temple Shôkon sha, dédié aux morts pour la patrie, qui prendra en 1879 le nom de Yasukuni jinja (temple où sont vénérés les soldats tombés en combattant pour l’empereur. Les condamnés à mort au tribunal de Tôkyô [3 mai 1946-12 novembre 1948], dont les cendres furent dispersées pour éviter qu’elles devinssent objet de culte, y ont leur mémoire honorée ; et à chaque fois qu’un officiel important s’y rend le 15 août [anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale] ou le 11 février [jour national], en un sursaut de nationalisme, les pays voisins du Japon ne manquent pas de protester).
La liberté de choisir son lieu de résidence et son métier, entravée par le shôgunat, est rétablie.
1870
Ouverture de Tôkyô et Niigata aux étrangers.
- 27 février : adoption du drapeau du « Soleil levant ».
L’ancien daimyô de Maebashi et la famille Ono (une grande famille de commerçants de l’époque des Tokugawa) introduisent la filature mécanique de la soie à Tôkyô ; le gouvernement soutient l’entreprise en créant sa propre filature à Tomioka, dans le département de Gunma, installée par une vingtaine de spécialistes européens (en 1875, les techniciens japonais formés par ces spécialistes pouvaient les remplacer ; en 1878, le cinquième de la soie japonaise était filé mécaniquement. La mécanisation de la filature de coton fut beaucoup plus lente, à cause du manque de matière première nationale et de la concurrence des filés anglais : vers 1880, trois usines seulement étaient mécanisées, dont une seule appartenait à l’industrie privée).
Création d’une monnaie impériale, le yen.
1871
Abolition du système des fiefs et division du pays en départements.
Emancipation des eta.
Extension du service postal aux pays étrangers.
Tous les Japonais reçoivent un nom de famille.
Le gouvernement introduit l’industrie mécanique au Japon avec la création de l’usine de machines d’Akabane, dans la banlieue de Tôkyô.
1872
Inauguration de la ligne de chemin de fer reliant Tôkyô à Yokohama.
Adoption du calendrier grégorien : le 3 du douzième mois lunaire devient le 1er janvier 1873.
Le gouvernement confisque l’usine de cotonnades de Sakai (qui avait été fondée en 1870 avec des machines importées d’Angleterre par le fief de Satsuma) pour en faire une usine pilote, sur le modèle de celle de Tomioka pour la soie.
Instruction primaire obligatoire.
1873
Loi instaurant le service militaire obligatoire.
Révocation des édits contre les chrétiens pris par le shôgun Tokugawa Ieyasu (1542-1616) en 1612 dans les territoires qu’il contrôlait, et étendus à l’ensemble du pays en 1614.
Création des écoles primaires.
Débuts du Mouvement pour la liberté et les droits du peuple (Jiyû minken undô), qui connaîtra son apogée entre 1881 et 1885.
1874
Insurrection de Saga (ville située dans le département du même nom, anciennement fief de Hizen), menée par Etô Shinpei (1835-1874), un samurai qui avait participé à la restauration de Meiji sans mesurer les bouleversements à venir ; déçu parce que les modérés au sein du gouvernement ne voulaient pas attaquer la Corée, qui se refusait à reconnaître le nouveau gouvernement japonais, il se rebella contre le nouveau pouvoir ; la rébellion fut rapidement matée par Ôkubo Toshimichi et Etô est décapité le 13 février 1874.
Expédition à Formose (Taiwan).
1875
Le Japon cède ses droits sur l’île de Sakhaline (Karafuto en japonais) à la Russie en échange des îles Kouriles (Chishima en japonais).
Le gouvernement créé une cimenterie à Fukagawa, un quartier de Tôkyô (elle sera privatisée en 1883 et confiée à Asano Sôichirô [1848-1930]).
Le gouvernement fonde un important élevage de moutons dans la province de Shimôsa (préfecture de Chiba) et une usine de tissage et de filature à Senju, dans la banlieue de Tôkyô.
Les revenus versés aux samurai par l’empereur ne le sont plus en nature (riz) à un moment où les prix augmentent rapidement, mais en argent.
1876
Traité avec la Corée.
Les revenus des samurai sont remplacés par des bons d’Etat portant 7 % d’intérêts pendant quatorze ans maximum.
Emeutes à Kumamoto (fief de Higo) et Hagi (fief de Chôshû), causées par l’appauvrissement croissant des anciens guerriers.
Le gouvernement crée une verrerie à Shinagawa, un quartier de Tôkyô.
1877
Février-septembre : insurrection de Satsuma, menée par Saigô Takamori (1827-1877). Il avait participé activement à la restauration de l’empereur sur le trône, mais à la suite des divergences de vues apparues au sein du gouvernement à propos de la Corée en 1874, s’était replié sur Kagoshima, où il avait fondé une école à laquelle la jeunesse des anciens fiefs de Satsuma et Ôsumi venaient en grand nombre, inquiétant les autorités de Tôkyô ; Saigô Takamori meurt sur le champ de bataille.
1878
Le gouvernement crée une briqueterie à Fukagawa.
Une conférence de filateurs de coton détermine les problèmes du Japon dans ce domaine : manque de capitaux, prix élevé du charbon, transport vers l’étranger trop coûteux, inefficacité des ouvriers (contrairement à ce qui se passait dans la soierie, où il y avait eu auparavant un artisanat qu’il avait suffi d’utiliser au moment de l’industrialisation, le travail du coton n’avait pas été préparé par un artisanat antérieur), et concurrence des filés, surtout britanniques.
1879
Le gouvernement lance un emprunt national afin d’acheter à l’Angleterre vingt mille broches à filer le coton, qu’il revend en grande partie à crédit à des entrepreneurs privés (il n’en conserva que deux mille qu’il installa dans deux usines modèles en 1881 et 1882).
Annexion des îles Ryûkyû (actuelle préfecture d’Okinawa).
1880
Toutes les grandes villes du pays sont reliées entre elles par un réseau télégraphique appartenant à l’Etat.
Le gouvernement revend à des entreprises privées une bonne partie des usines qu’il avait créées.
1881
Promesse d’une Constitution pour 1890.
Formation des partis politiques.
Itagaki Taisuke (1837-1919), originaire du fief de Tosa, qui avait joué un rôle important dans la restauration du pouvoir impérial, lui aussi partisan d’une intervention en Corée en 1874 et en outre insatisfait du peu de cas fait à son clan par les clans plus puissants de Satsuma et Chôshû, s’était, comme Etô Shinpei et Saigô Takamori, replié sur son fief, dans l’actuel département de Kôchi, où il avait fondé en janvier 1874 un groupe politique : Aikokukôtô (Parti public des patriotes), devenu en avril de la même année la société Risshisha (Société des gens déterminés), créée avec un ami, Kataoka Kenkichi (1843-1903) ; cette société formera le noyau du Parti libéral (Jiyûtô), fondé en décembre 1880, auquel a appartenu Nakae Chômin (de son vrai nom Nakae Tokusuke) (1847-1901), écrivain et traducteur (entre autres de Jean-Jacques Rousseau), dont les écrits influenceront plusieurs générations de militants politiques japonais.
Ôkuma Shigenobu (1838-1922), qui soutient à l’intérieur du gouvernement le combat politique d’Itagagaki à partir de 1881, est exclu du gouvernement.
1882
25 mai : fondation du premier parti socialiste, le Tôyô shakaitô (Parti socialiste d’Orient), qui sera dissout par le gouvernement le 7 juillet.
Ôkuma Shigenobu fonde le Rikken kaishintô (Parti progressiste constitutionnel), auquel appartiendra Fukuzawa Yukichi (1834-1901), intellectuel partisan de la modernisation du pays et d’une politique de coopération pacifique avec les voisins asiatiques du Japon.
1883
L’absence de moyens de transport publics entrave le développement de Tôkyô ; les premiers tramways apparaissaient (autour de 1870, les rues de la nouvelle capitale avaient vu arriver de petites voitures à deux roues tirées par un coureur appelées jinrikisha [voiture tirée par un homme], prononciation simplifiée rapidement par les étrangers en rickshaw).
Etablissement du Journal officiel, Kanpô.
1884
Itô Hirobumi (1841-1909) interdit les partis politiques.
1885
Fondation de la compagnie maritime de service postal Yûsen kaisha (fusion de la Mitsubishi Mail Steamship Company, fondée par Iwasaki Yatarô en 1872 après l’annulation d’un édit des Tokugawa interdisant la construction de navires de haute mer dans les tout débuts de la restauration de Meiji, et d’une autre société de moindre importance).
1886
Fondation avec l’aide du gouvernement d’une usine de chanvre qui profitera des commandes de l’armée durant la guerre sino-japonaise de 1894-1895.
1889
11 février : promulgation de la Constitution (Dai Nihon teikoku kenpô, Constitution impériale du Grand Japon).
Interdiction légale des duels.
1890
25 février : première session du Parlement.
Les partis sont de nouveau autorisés.
1891
11 mai : tentative d’assassinat du tsarévitch Nicolas II par Tsuda Sanzô (1855- 1891) à Ôtsu, ville de la préfecture de Shiga.
Décembre : dissolution de la Diète.
1894
1er août : la guerre sino-japonaise (1894-1895) éclate. Il s’agit en fait d’une lutte pour savoir lequel des deux pays exercera son influence en Corée.
1895
La guerre sino-japonaise se termine par le traité de Shimonoseki (17 avril). Après intervention de la Russie, de l’Allemagne et de la France, le Japon renonce à la péninsule de Liaodong, mais occupe Formose (Taiwan) et les îles Pescadores (maintenant îles Penghu).
1896
Mise en place d’une administration japonaise (Taiwan sôtokufu) à Formose.
1897
Adoption de l’étalon-or.
L’Allemagne occupe Qingdao et la baie de Jiaozhou dans le Shandong en octobre ; et la Russie, Port-Arthur (maintenant Lüshun) et Dalian dans le Liaoning en décembre (la Russie avait signé en 1896 un traité d’alliance avec la Chine, dirigé contre le Japon, qui autorisait la première à construire un chemin de fer en Mandchourie).
Formation de la Rôdô kumiai kiseikai (Société pour la promotion des syndicats).
1898
Révision du Code civil.
Premier Cabinet de partis, qui ne dure que quatre mois (30 juin- 8 novembre 1898).
Formation d’un syndicat de cheminots, qui réussira à se maintenir jusqu’en 1910.
Grèves des cheminots dans le nord-est du Japon.
1899
Août : à la suite de nouveaux traités, le Japon s’ouvre au monde.
1900
Le réseau ferré atteint vers 1900 un total d’environ 4 500 km, dont 1 000 appartenant à l’Etat et 3 500 à des entreprises privées.
16 septembre : Itô, maintenant convaincu de la nécessité des partis, s’allie avec des membres du Kenseitô (Parti constitutionnel) pour former le Rikken seiyû kai (Association des amis du gouvernement constitutionnel).
Promulgation de la Loi de police sur la sécurité publique (Chian keisatsu hô).
1902
Traité d’alliance avec l’Angleterre.
15-19 juillet : grève au chantier naval militaire de Kure contre un quartier-maître trop sévère.
1904
11 février : début de la guerre avec la Russie (1904-1905), qui allait voir de retentissantes défaites de la Russie, les plus célèbres étant celles de Port-Arthur et Tsushima.
24 février : l’empereur de Corée est contraint de signer un protocole établissant de fait un protectorat japonais sur le pays.
1905
Après médiation du président américain Theodore Roosevelt (1858-1919), sur demande secrète du Japon qui s’inquiétait des possibilités d’une guerre longue sur le territoire chinois, ouverture des négociations entre la Russie et le Japon à Portsmouth (New Hampshire, Etats- Unis) ; la paix sera signée le 29 août et ratifiée le 5 septembre. Le traité de Portsmouth consacrait la victoire du Japon acquise par les armes : la possession de la moitié sud de Sakhaline, la permission de s’installer en Corée et dans la péninsule de Liaodong, et le contrôle de la voie ferrée du sud mandchourien, mais manifestait surtout la volonté des pouvoirs occidentaux de s’opposer à la montée en puissance du Japon. Ce même 5 septembre, un meeting convoqué dans le parc de Hibiya, à Tôkyô, par des organisations nationalistes pour protester contre l’absence d’indemnités de guerre, dégénère et est violemment réprimé par la police (Hibiya yakiuchi jiken).
1906
7 janvier : le mécontentement de l’opinion publique japonaise, suite à la signature du traité de Portsmouth fait chuter le gouvernement de Katsura Tarô (1847-1913), qui sera rempacé par Saionji Kinmochi (1849-1940). Au cours des mois qui suivirent la paix de Portsmouth, entre septembre 1905 et octobre 1906, les dépenses de l’Etat augmentent, provoquant une nouvelle expansion industrielle et la création de nouvelles entreprises, telle que par exemple la Dai Nihon seitô kaisha (Raffineries de sucre du Grand Japon).
Janvier : grève aux chantiers navals d’Ôminato (Ôminato zôsenjo) à Aomori pour de meilleurs salaires.
31 mars : promulgation de la Loi de nationalisation des chemins de fer (Tetsudô kokuyû hô) (la nationalisation des chemins de fer sera effective le 1er octobre 1907 avec la naissance des Chemins de fer du Japon [Nihon kokuyû tetsudô, société plus connue sous le nom anglais de Japan National Railways (JNR)]).
Juin : suite à une augmentation du ticket de tramway de 3 à 5 sen, mouvements de protestation à Tôkyô dirigés par le Parti socialiste japonais (Shakaitô).
Août : grève aux chantiers navals militaires de Kure (Kure kaigun kôshô).
Décembre : grève à l’arsenal militaire d’Ôsaka (Ôsaka rikugun zôheishô).
1907
4-7 février : trois jours d’émeutes aux mines d’Ashio, dans la préfecture de Tochigi.
16-20 février : grève des menuisiers du chantier naval Mitsubishi de Nagasaki pour de meilleurs salaires et contre un projet d’allonger leurs heures de travail.
Avril : grève dans les mines de charbon de Horonai (Horonai tankô), Hokkaidô.
Juin : grève dans les mines de cuivre de Besshi, Shikoku.
Juillet : grève dans les mines d’argent d’Ikuno, près de Kôbe.
Une crise industrielle et boursière fait chuter le gouvernement Saionji.
Theodore Roosevelt négocie un gentlemens’ agreement avec le gouvernement japonais afin de réduire l’immigration japonaise aux Etats-Unis.
1908
« Scandale du sucre » : la Dai Nihon seitô kaisha, en difficultés financières, avait acheté plusieurs députés en 1907 et 1908, afin qu’ils votent une loi instaurant un monopole d’Etat du raffinage du sucre. Katsura revient au pouvoir.
Le cabinet Katsura est forcé de revoir les tarifs douaniers en accord avec le traité signé avec l’Angleterre en 1894, accordant des avantages aux Anglais sur les cotonnades, les lainages et l’acier qu’ils vendaient sur le marché japonais.
22 juin : « affaire du drapeau rouge » (akahata jiken) : ce jour-là, une manifestation pour célébrer la libération de Yamaguchi Koken (1883-1920), après quatorze mois de prison, dégénère ; une partie des participants à la réunion qui défilent dans la rue avec des drapeaux rouges portant les inscriptions « anarchisme » et « anarcho-communisme » sont sévèrement malmenés, puis condamnés à de lourdes peines de prison.
1909
26 octobre : Itô Hirobumi, ancien résident général nippon en Corée, qui était opposé à une annexion japonaise pure et simple de la Corée, et alors président du Genrô in (Conseil des anciens), est assasiné par un nationaliste coréen, selon des sources militaires nipponne, à Harbin (Chine), où il s’était rendu pour rencontrer le ministre russe des finances Kokosoff.
1910
13 mars : Ôkuma, qui s’était retiré de la vie politique en 1907, forme un nouveau parti, le Rikken kokumintô (Parti constitutionnel du peuple).
Mai : on découvre un prétendu complot d’assassinat de l’empereur à Akishina dans la préfecture de Nagano (taigyaku jiken, affaire du crime de lèse-majesté) ; vingt-quatre accusés, parmi eux Kôtoku Shûsui (de son vrai nom Kôtoku Denjirô) (1871-1911), sont condamnés à mort lors d’un procès à huis-clos, et douze d’entre eux pendus les 24 et 25 janvier 1911.
23 août : l’attentat contre Itô sert de prétexte au Japon pour proclamer l’annexion de la Corée sous le nom ancien de Chôsen (Matin calme) par un décret.
1911
Création d’une Haute police spéciale (tokubetsu kôtô keisatsu), police politique chargée de la répression des mouvements sociaux. (Un département spécial de la police, chargé de réprimer les mouvements sociaux, avait été créé à Ôsaka dès 1888 ; en 1906, il était étendu à la capitale. Mais ce n’est qu’en 1911, après l’ « affaire du crime de lèse-majesté » que sera fondée ladite Haute Police spéciale, plus centralisée).
Loi sur les fabriques (Kôjôhô).
1912
31 décembre 1911-4 janvier 1912 : grève des chemins de fer municipaux de Tôkyô.
1er janvier : proclamation de la république de Chine à Nanjing.
16 janvier : le gouvernement engage des négociations avec la Russie en vue de fixer les zones d’influence de chacun en Mandchourie et en Mongolie. Ces pourparlers aboutiront au traité russo-japonais, conclu le 8 juillet, qui autorise l’extension de l’influence japonaise jusqu’en Mongolie intérieure.
12 février : l’empereur chinois Xuantong (nom de règne [1909-1912] de Puyi [1906-1967]) abdique, mettant fin à la dynastie des Qing. Puyi sera plus tard nommé par les Japonais régent (1932) puis empereur (1934-1945) du Mandchoukuo, sous le nom de Kangde (Kôtoku, en japonais).
10 mars : Yuan Shikai (1859-1916) est nommé président de la république chinoise à Beijing.
26 juin : le renchérissement du riz provoque des émeutes dans la préfecture de Toyama (d’où partiront aussi les émeutes du riz [kome sôdô] en juillet 1918).
30 juillet : mort de Mutsuhito ; 1912 devient la dernière année de l’ère Meiji et la première année de l’ère Taishô.
1er août : Suzuki Bunji (1885-1946) fonde la Yûaikai (Société fraternelle) avec 15 personnes. A la fin de l’année, ce syndicat comptera plus de 260 adhérents.
1er octobre : Ôsugi Sakae et Arahata Kanson lancent la revue Kindai Shisô (« La Pensée moderne ») qui publiera certains écrivains ouvriers, tels que Miyajima Sukeo et Miyachi Karoku, annonçant ainsi la littérature prolétarienne des années 1920. La revue s’achèvera sur son 23e numéro le 1er septembre 1914.
30 novembre : le Parlement refuse le projet du ministre de l’armée de terre, Uehara Yûsaku (1856-1933), d’augmenter les effectifs militaires en Corée ; celui-ci démissionne le 2 décembre, entraînant la chute du cabinet de Saionji Kinmochi le 5.
Décembre : le 13, des intellectuels libéraux (journalistes, éditeurs, avocats, etc.) fondent la Kensei sakushin kai (Association pour la régénération de la politique constitutionnelle) ; le 14, des membres de la Kôjun sha (Amicale des anciens élèves de l’université de Keiô, fondée en 1880) forment la Kensei yôgo kai (Association pour la protection de la politique constitutionnellle). D’autres formations similaires suivront, qui protestent toutes contre la politique du gouvernement et l’augmentation des dépenses militaires ; ce mouvement de protestation contre les clans du sud-ouest s’étend rapidement à tout le pays.
21 décembre : formation du troisième cabinet de Katsura Tarô (1847-1913) à la suite de la démission du cabinet Saionji ; il ne durera que 53 jours.
1913
Février : face aux troubles qui secouent le pays à la suite de l’agitation menée par les intellectuels libéraux (les sièges de journaux censés être à la solde du gouvernement et des postes de police sont incendiés par la foule à Tôkyô, Ôsaka, Kôbe, Hiroshima et Kyôto), Katsura annonce la prochaine fondation d’un nouveau parti, la Rikken dôshi kai (Association des partisans de la Constitution), pour contrecarrer l’influence de la Rikken seiyû kai (Association des amis du gouvernement constitutionnel). Le nouveau parti ne sera fondé que le 23 décembre, après la mort de Katsura le 10 octobre.
11 février : chute du troisième cabinet Katsura. Yamamoto doit s’allier au Rikken seiyû kai pour renverser Katsura et accéder au pouvoir le 20 février.
Septembre-octobre : le 1er septembre, l’armée de Yuan Shikai entre dans Nanjing y tuant des ressortissants japonais ; le 7, des manifestants se regroupent au parc de Hibiya, à Tôkyô pour protester contre les incidents de Nanjing. En compensation, le Japon obtient l’accord de la Chine pour la construction de chemins de fer en Mandchourie et reconnaît le gouvernement de Yuan Shikai en octobre.
25 octobre : Ishihara Osamu publie un rapport, Jokô to kekkaku (« Les Ouvrières et la tuberculose »), dans lequel il dénonce les conditions insalubres du travail en filature comme cause principale de la tuberculose qui est à l’origine de 70 % de la mortalité dans ce secteur d’activité.
On dénombre 47 conflits du travail, auxquels ont participé 5 242 travailleurs.
1914
23 mars : Yamamoto, amiral, poursuivant l’application des programmes navals adoptés depuis 1903, avait favorisé l’armement de la marine par rapport aux autres branches de l’armée, et avait, pour ce faire, passé de fortes commandes à la maison allemande Krupp-Siemens. Des employés de cette maison, un peu trop bavards, révèlent qu’ils ont graissé la patte de nombreux officiers de haut rang pour obtenir ces commandes. Une manifestation de protestation réunit 40 000 personnes dans le parc de Hibiya, à Tôkyô. Yamamoto se démet le 23 mars. Le comte Ôkuma (76 ans) (1838-1922) le remplace et le baron Katô Takaaki [ou Kômei] (1860-1926) (chef, au côté de Katsura, du parti Rikken dôshi kai [Association des partisans du gouvernement constitutionnel], adversaire du Rikken seiyû kai) est nommé aux Affaires étrangères.
28 juin : assassinat de l’archiduc d’Autriche Franz Ferdinand à Sarajevo.
8 août : le Japon entre en guerre aux côtés de la France, la Grande-Bretagne et la Russie.
La situation de la classe laborieuse au Japon dans Echanges :
I. Introduction. La bureaucratie. Les employeurs. Les travailleurs
n° 107, hiver 2003-2004, p. 37.
II. La guerre sino-japonaise (1894-1895). L’entre-deux guerres (1896-1904). La guerre russo-japonaise (1904-1905). Lutte de clans au sein du gouvernement
n° 108, printemps 2004, p. 35.
III. Avant 1914 : La composition de la classe ouvrière. La discipline du travail et l’enseignement. Industrialisation et classe ouvrière . Les luttes ouvrières. Les syndicats
n° 109, été 2004, p. 25.
IV. Les origines du socialisme japonais : Le socialisme sans prolétariat. Ses origines intellectuelles japonaises, le bushidó. Ses origines intellectuelles étrangères. Marxisme contre anarchisme
n° 110, automne 2004, p. 25.
IV bis. Chronologie juillet 1853-août 1914
n° 112, printemps 2005, p. 18.
V. Bouleversements économiques et sociaux pendant la Grande Guerre. Un ennemi : l’Allemagne. Le commerce. L’industrie. La classe ouvrière. Les Coréens au Japon
n° 114, automne 2005, p. 32.
VI. Les grèves pendant la première guerre mondiale. Les conflits du travail de 1914 à 1916. Un tournant : 1917-1918. Les émeutes du riz .
n° 115, hiver 2005-2006, p. 41
VII. La dépression de 1920-1923. Le grand tremblement de terre du Kantô. La crise bancaire de 1927. La crise de 1929
n° 117, été 2006, p. 39.
VIII. Entre première et deuxième guerres mondiales. Le taylorisme. Les zaibatsu. La lutte des classes. Les Coréens
n° 119, hiver 2006-2007, p. 24.
IX. Les origines réformistes du syndicalisme ouvrier. Parlementarisme et syndicalisme. Les conflits entre syndicats prennent le pas sur la lutte de classes. La guerre contre la classe ouvrière
n° 121, été 2007, p. 21.
X. Les travailleurs des campagnes. Les Coréens. Les burakumin. Patronat et fonctionnaires. Les yakuza n°124, printemps 2008, p. 23.]
XI. Les partis de gouvernement. Les socialistes. Les anarchistes. Le bolchevisme.. - Osugi Sakae. - Kawakami Hajime. - Katayama Sen.
XII, 1. Qu’est-ce que la littérature prolétarienne ? Les écrivains prolétariens japonais. Les Semeurs. Revues et organisations.
XII, 2. Le roman prolétarien